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[symétrie]
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un accord convenable des membres, des ouvrages entre eux, et des parties séparées, le rapport de chacune des parties avec l’ensemble, ainsi que dans le corps humain, où il existe une harmonie entre le bras (la coudée), le pied, la palme, le doigt et les autres parties du corps. Il en est ainsi dans les ouvrages parfaits, et en premier lieu dans les édifices sacrés (dont l’harmonie est déduite) du diamètre des colonnes ou du triglyphe. De même, le trou que les Grecs appellent péitréton fait connaître la dimension de la baliste (à laquelle il appartient)[1] ; de même encore, l’intervalle entre deux chevilles (des avirons) d’un navire, intervalle qui est appelé dipécaiké (permet de connaître la dimension de ce navire). Ainsi en est-il de tous les ouvrages dont le système symétrique est donné par les membres. »

Il est clair que Vitruve donne ici au mot symétrie le sens grec[2], qui n’entend point celui que nous lui prêtons. Aussi Perrault, qui n’entend point que Vitruve ait omis de s’occuper de la symétrie telle qu’on la comprenait de son temps, traduit symmetria par proportion, et fait une note pour expliquer comme quoi les proportions et la symétrie sont des propriétés distinctes, et que Vitruve omet de s’occuper de la seconde. Ainsi, d’après Perrault, c’est Vitruve qui a tort d’employer ici le mot symétrie, et le traducteur français apprend à l’auteur latin, écrivant d’après les méthodes grecques, ce que c’est que la symétrie. Pour exprimer ce que nous entendons par symétrie (un décalque retourné, une contrepartie), il n’était pas besoin de faire un mot. C’est là une opération tellement banale et insignifiante, que les Grecs n’ont pas même eu l’idée de la définir. Pour eux, la symétrie est une tout autre affaire. C’est une harmonie de mesures, et non une similitude ou une répétition de parties. Mais Vitruve ne parle pas que de la symétrie, il définit aussi l’eurhythmie comme une qualité nécessaire à l’art de l’architecture : « L’eurhythmie, dit-il, est l’apparence agréable, l’heureux aspect des divers membres dans l’ensemble de la composition ; ce qui s’obtient en établissant des rapports convenables entre la hauteur et la largeur, la largeur et la longueur, afin que la masse réponde à une donnée de symétrie[3]. » Eurhythmie

  1. Comme aujourd’hui le calibre d’une bouche à feu permet de connaître sa dimension.
  2. Ce sens est parfaitement éclairci par les derniers travaux de M. Aurès sur le Parthénon, la colonne Trajane, et par sa Théorie du module (Nîmes, 1862). Nous nous plaisons à reconnaître ici que M. Aurès a retrouvé le système symétrique de l’architecture grecque, et qu’il ne peut rester aucun doute sur cette découverte, dans l’esprit des personnes familières avec ces matières. Nous apprécions d’autant mieux sa théorie, d’ailleurs indiscutable, puisqu’elle s’appuie sur des éléments mathématiques, que nous avons cherché longtemps la clef de ce problème, et que nous avons, comme bien d’autres, accusé Vitruve de ne la point posséder. Or, M. Aurès nous prouve au contraire que le texte de Vitruve s’accorde de tous points avec les rapports de mesure (la symétrie des monuments antiques. (Voyez Théorie du module déduite du texte de Vitruve, 1862.)
  3. « Eurhythmia est venusta species commodusque in compositionibus membrorum as-