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de la passion, symboles de la rédemption et reproche palpable pour les hommes qui n’ont pas suivi la voie ouverte par la mort du Fils de Dieu. Autour de cette scène, la présence des législateurs, des patriarches, des prophètes, des martyrs, symbolise les mérites et les travaux qui élèvent l’homme jusqu’à la béatitude céleste.

Les apôtres accompagnent, non plus le Christ dans sa gloire, mais le Christ homme, et, au-dessous de cette assemblée, sont symbolisées les passions qui entraînent l’homme au mal, les vertus qui le rendent digne d’approcher la Divinité. Ces pages, qu’on trouve reproduites aux portails de Notre-Dame de Paris, de Chartres, d’Amiens, peuvent être considérées comme les plus belles conceptions du symbolisme chrétien appliqué à l’art plastique. Les arts libéraux placés sous les pieds du Christ sont un symbole des travaux à l’aide desquels l’homme élève son intelligence et parvient à la dégager des liens terrestres. Et, en effet, dans l’imagerie de nos cathédrales, on ne voit plus, comme dans les sculptures des églises monastiques, la première place donnée aux légendes des saints fondateurs des ordres religieux, aux personnages ayant vécu dans l’austérité et la contemplation cénobitique. C’est le travail, la vie militante, la lutte, qui partout sont glorifiés. Ce sont les personnages qui dans le diocèse ont voué leur vie à secourir, à instruire les hommes, qui prennent les premiers rangs. Cet hommage rendu à la vie active, laborieuse, est un fait qui mérite l’attention, en ce qu’il se développe avec une énergie remarquable au commencement du XIIIe siècle, sous l’influence des écoles laïques d’artistes du Nord. En effet, le symbolisme de nos grandes cathédrales françaises possède son caractère propre ; les monuments le démontrent de la manière la plus évidente, mais aussi un livre très-curieux, achevé en 1284, le Rationale divinorum officiorum de Guillaume Durand, évêque de Mende. Ce prélat ne vécut que peu d’années à Paris, pour se livrer aux études du droit canonique et du droit civil ; c’était vers 1255. Le reste de sa vie se passa en Italie et dans le midi de la France, où il occupa le siège de Mende. Or, Guillaume Durand, qui, dans son ouvrage, commence par écrire sur l’église et ses parties, parle des fondements, des murs, des piliers, voûtes, toits, fenêtres, de l’orientation, des tours, des portes, etc. À toutes ces parties du monument il attache un sens symbolique ; mais lorsqu’il traite des sculptures et peintures, il s’étend peu, donne des interprétations vagues, et paraît avoir en vue les ouvrages des grecs byzantins. C’est qu’alors, vers la fin du XIIIe siècle, en Italie et dans les provinces méridionales de la France, l’imagerie était encore toute byzantine, ou sous l’empire des traditions gallo-romaines[1], et les grandes conceptions sculpturales des écoles de l’Île-de-France, de la Picardie, de la Bourgogne et de la Champagne avaient à peine pénétré au delà de la Loire. On commençait à élever les cathédrales de Limoges, de Clermont, de Narbonne, à l’imitation (comme

  1. Voyez Sculpture, Statuaire.