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On voulut longtemps voir dans cette représentation, occupant une place honorable, Constantin, Pepin ou Charlemagne. D’autres opinions, plus plausibles, ont remplacé celle-ci : M. de Chergé voit dans ces statues les fondateurs laïques des églises. M. Didron prétend qu’elles représentent saint Martin comme chef des confesseurs dans les Gaules. Une critique judicieuse ne peut toutefois faire admettre ces opinions[1]. MM. Jourdain et Duval proposent de voir dans ces statues équestres, soit l’un des cavaliers mystiques de l’Apocalypse, soit, ce qui paraît mieux fondé, l’ange envoyé de Dieu pour terrasser Héliodore, profanateur du temple. En effet, le texte du livre des Macchabées dit : « Apparuit enim illis quidam equus terribilem habens sessorem, optimis operimentis adornatus : isque cum impetu Heliodoro priores calces elisit ; qui autem ei sedebat, videbatur arma habere aurea[2]. »

Cette représentation d’un fait historique ou légendaire sur la façade d’une église est le symbole des châtiments réservés aux violateurs du sanctuaire. À cette époque, la plupart des églises avaient droit d’asile, et renfermaient des trésors qui pouvaient tenter la cupidité des seigneurs laïques. Il paraissait utile de rappeler à ceux-ci la mission du guerrier céleste envoyé contre Héliodore, spoliateur du temple de Jérusalem.

On peut parfaitement constater qu’à la fin du XIIe siècle, il y a une recrudescence dans le symbolisme. Cela s’explique : les ordres religieux étaient surtout préoccupés, dans les édifices qu’ils élevaient, de montrer aux fidèles les mérites attachés à la vie monastique. Ce sont les légendes de saint Benoit, de sainte Madeleine, de saint Antoine, puis la représentation des vertus et des vices, les avantages de la charité, les luttes contre les tentations du démon, qui fournissent les sujets principaux aux imagiers. Mais quand ces imagiers sont des laïques, quand s’élèvent les grandes cathédrales, asile sacré des cités, sous l’inspiration de l’épiscopat, l’idée métaphysique se fait jour et les sujets symboliques apparaissent en foule. D’une part, c’était un moyen de protester contre le régime féodal ; d’autre part, une vie nouvelle rendue à de vieilles traditions locales restées dans le cœur du peuple, mais écartées par l’esprit monastique et surtout par les cisterciens.

Alors apparaissent les représentations des derniers jours du monde, la justice divine étant symbolisée par les plateaux d’une balance sur l’un desquels appuie l’esprit des ténèbres ; les damnés sont pris dans tous les rangs de la société, depuis les rois et les papes jusqu’aux vilains. Le Christ, pendant le jugement, assis sur un trône, montrant ses plaies, n’est plus assisté des apôtres, mais près de lui intercède sa mère, symbole de miséricorde pour les mortels ; des anges tiennent les instruments

  1. Voyez, à ce sujet, les Notes d’un voyage archéologique dans le sud-ouest de la France, par M. J. Marion, tome III, 2e série du recueil de l’École des chartes, p. 190 et suiv.
  2. Macchab. lib. II, cap. iii, 25.