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de Dieu au sein de races panthéistes par la nature même de leur esprit. Les difficultés furent telles, qu’on les éluda, qu’on les tourna souvent pour faire admettre la nouvelle religion, soit au sein des civilisations grecque et romaine, soit parmi les barbares, qui, étant de la même famille que les Grecs, les Italiens et les Gaulois, avaient les mêmes dispositions au panthéisme. De là une quantité prodigieuse de symboles à l’origine du christianisme et pendant le moyen âge. Longtemps encore, à dater de la reconnaissance officielle du culte chrétien dans l’empire romain, des traditions du paganisme même se mêlent aux dogmes nouveaux ; et parmi ces traditions, les cérémonies sacrées dont le feu était l’objet chez tous les peuples aryens ne purent jamais être effacées. On ne rendit plus un hommage direct au feu[1], mais le feu devint symbolique et entra dans le culte chrétien.

L’avidité pour le symbole était telle chez les chrétiens, à défaut du panthéisme, que l’Ancien Testament ne fut plus qu’une succession de symboles du nouveau. L’antagonisme des puissances divines admis par les Aryas de l’Indus et par toutes les branches de cette grande famille humaine, fut soumis à l’orthodoxie, mais subsista néanmoins. L’esprit du mal, immortel, puissant, indépendant, possédant un empire, se retrouve chez les chrétiens et est personnifié. Cette soif de symboles donnait aux arts et à la poésie un vaste champ à parcourir. Aussi peut-on dire que nos édifices religieux du moyen âge sont une accumulation de symboles revêtus de la forme chrétienne, mais dont l’origine, bien souvent, appartient au panthéisme antique, soit à celui des Grecs et des Latins, que nous connaissons, soit au panthéisme local des peuples gaulois, sur lequel nous n’avons que des données peu étendues. Et au milieu des traditions empruntées au christianisme même, les sujets préférés par les imagiers sont ceux qui ont un caractère symbolique. Les prophéties de l’Ancien Testament, les paraboles des Évangiles, l’Apocalypse de saint Jean ; parmi les légendes, celles qui touchent au symbolisme, fournissent à la statuaire et à la peinture le plus grand nombre de sujets. Ainsi, par exemple, sur les façades d’un assez grand nombre d’églises du Poitou et de la Saintonge, datant du XIIe siècle, à Notre-Dame de Poitiers, à Saint-Nicolas de Civray, à Saint-Hilaire de Melle, à la cathédrale d’Angoulême, à l’église de Surgères, figure une statue équestre de grande dimension. Le cavalier est armé ; il porte la couronne et tient une épée nue à la main. Sous les pieds de devant du cheval est habituellement représentée une petite figure d’homme terrassé, semblant demander miséricorde. Plusieurs opinions ont été émises sur la qualité de ce cavalier.

  1. Il faut dire que chez les Aryas de l’Indus, le feu n’était considéré que comme un hommage rendu aux puissances surnaturelles, un sacrifice en un mot. Mais la flamme consumant la liqueur du sóma était la véritable acceptation du sacrifice par le dieu, dont la présence sur l’autel était alors réelle. (Voyez, Essai sur le Véda, par Émile Burnouf, 1863.)