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phénomènes naturels, ou cachant une idée métaphysique[1] ; c’est la forme poétique qui se grave dans l’esprit d’un peuple, mieux que ne peut le faire une définition sèche. Jésus se compare au pasteur, les peintres des premiers temps du christianisme le représentent entouré de brebis. Cette image symbolique en dit plus que tous les raisonnements tendant à démontrer que Dieu considère les hommes avec la sollicitude du berger veillant sur son troupeau.

Le symbolisme appartient aux races supérieures, il est le premier et le plus puissant véhicule de l’art et de la poésie. La mythologie du Véda est toute symbolique, comme celle des Grecs, et elle est plus claire, plus large, plus près de la nature. L’homme est, plus qu’aucun autre, observateur et méthodique. L’observation des phénomènes naturels, un classement parmi ces phénomènes, le conduisent bientôt à donner une forme, une personnalité à ces phénomènes, et à assigner un rang ou une fonction à ces personnalités. De là tout un ordre de symbolismes qui constituent une religion, du moment que les idées métaphysiques coordonnent et dominent cet ensemble. Pour la foule, le symbolisme suffit, il est toute la religion ; pour les esprits éclairés, le symbolisme n’est qu’une expression des forces de la nature. Pour nous, descendants de ces races de l’Indus, il nous est encore aujourd’hui bien difficile de concevoir une religion entièrement dépouillée de symbolisme ; il n’est donc pas surprenant qu’à l’origine du christianisme le symbolisme fût partout. Il fallait trouver une transition entre le panthéisme et le monothéisme ; la transition fut si longue, qu’elle s’établit définitivement chez les Grecs et les Latins. C’est qu’en effet le Sémite seul est apte à concevoir le monothéisme ; aussi n’a-t-il ni art, ni poésie, ni méthode, ni philosophie. Les phénomènes de la nature ne l’inspirent pas, il n’y voit que l’effet d’une loi immuable du Dieu unique, dont les fins n’excitent chez lui ni curiosité, ni besoin de savoir. Pour l’Arya, au contraire, tout dans la nature vit, agit, lutte, se renouvelle, et la mort n’est qu’un changement de forme de la matière ; tout, pour lui, est un sujet de méditation. Il veut classer, il veut se souvenir, il veut faire comprendre le résultat de ses observations : pour cela il impose une mythologie, et celle-ci devient si puissante, qu’il peut à peine s’en défaire lorsqu’il se rallie au monothéisme du Sémite.

C’est ainsi que le christianisme, à son début dans le vieux monde panthéiste des Grecs et des Romains, est obligé de ménager ce sentiment inné chez les peuples de race aryenne. Il cache une idée métaphysique sous un symbole mythologique, pour faire pénétrer le christianisme dans l’esprit de la foule.

Les peintures des catacombes de Rome conservent encore des traces de ces compromis entre l’ancienne mythologie et le christianisme. Orphée

  1. Dans le culte catholique, par exemple, la nappe de l’autel, le tabernacle, le feu, l’encens, le calice, sont des symboles sous lesquels se cache une idée métaphysique.