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plus dans les œuvres d’art, que celles-ci s’écartent moins de l’expression juste, vraie, claire. Trouver l’expression juste, être clair, ce sont des qualités françaises que nous possédions dans les arts plastiques comme dans le discours. Notre architecture de la renaissance, entre les mains de maîtres habiles, et en dépit des éléments bâtards où elle allait puiser (affaire de cour et de mode), conservait encore ces qualités qui nous sont naturelles. Les œuvres de Philibert de l’Orme en sont la preuve. Voilà un maître qui, dans son portique des Tuileries, prend un ordre antique accolé à des arcades en manière de contre-forts. Mais, d’abord, il ne fait point des colonnes engagées, il pose des pilastres ou des colonnes entières, et celles-ci, saillantes sur l’arcature du portique, portaient des balcons, les avancées d’une terrasse sur le jardin, sortes d’échauguettes. Il motivait donc ces colonnes, elles servaient à quelque chose, et n’étaient pas là une décoration banale. Cet ordre n’était point alors destiné à porter le malheureux étage superposé depuis, et dont le moindre défaut est de rendre incompréhensible la disposition du rez-de-chaussée. L’ordre admis, examinons avec quel art notre maître le construit, lui donne un style, le style, celui qui ressort d’une juste application de principes vrais. Philibert de l’Orme ne pouvait ou ne jugeait pas à propos de dresser des colonnes ioniques monolithes. C’était par une superposition de tambours qu’il les construisait. Il accuse franchement sa structure, il sépare les tambours taillés dans des assises hautes de pierre de Saint-Leu par de basses assises de marbre formant comme des bagues, des anneaux cerclant le fût. Sur ces tambours de marbre il sculpte des attributs délicats, à peine saillants, comme pour mieux faire ressortir le précieux de la matière. Sur les tambours de pierre, ce sont des cannelures, et sous le chapiteau, pour ménager une transition entre la froideur des fûts et la richesse du couronnement, il fait courir devant les cannelures des branches de laurier.

Que l’on applique les ordres antiques avec cette sagacité, en les subordonnant à un mode de structure imposé par la matière, nous l’admettons ; cela d’ailleurs n’empêche point l’art, l’invention d’intervenir, et certes personne ne contestera l’élégance de ce fragment d’architecture, surtout si par la pensée on le dégage de toutes les superfétations barbares qui l’écrasent. Mais que l’on reprenne aujourd’hui ce charmant motif, sans tenir compte des raisons qui l’ont fait adopter, alors le style disparaît. Il ne reste qu’un pastiche sans l’intelligence de l’original, une traduction vague et confuse d’un langage simple, logique et clair. Pour posséder le style, l’œuvre de l’architecte ne peut se passer d’idées pendant sa conception, et de l’intervention de la raison pendant son développement. Toutes les splendeurs de la sculpture, la richesse et la profusion des détails, ne sauraient suppléer au manque d’idées et à l’absence du raisonnement.

SYMBOLE, s. m. Image idéalisant les qualités d’un personnage, les