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dans l’ordre universel, nous en avons observé les lois et nous les appliquons. Il en est de même pour toutes les parties de cet art ; les proportions, la décoration même, doivent découler de ce grand ordre universel dont nous nous approprions les principes, autant que nos sens incomplets nous le permettent. Ce n’était donc pas sans raison que Vitruve disait que l’architecte devait posséder à peu près toutes les connaissances de son temps, et qu’il plaçait en tête de ces connaissances la philosophie. Or, chez les anciens, la Philosophie comprenait toutes les sciences d’observation, dans l’ordre moral aussi bien que dans l’ordre physique,

Si donc nous pénétrons quelque peu dans la connaissance des grands principes de l’ordre universel, nous reconnaissons bien vite que toute création se développe suivant une marche logique, et que, pour être, elle se soumet à des lois antérieures à l’idée créatrice. Si bien qu’on pourrait dire : « À l’origine, les nombres et la géométrie existaient. » Les Égyptiens, et après eux les Grecs, l’avaient bien compris ainsi ; pour eux, les nombres et les figures géométriques étaient sacrés. Nous pensons que le style, qui ne manque jamais à leurs productions d’art, est dû à ce respect religieux pour ces principes auxquels la création universelle se soumet la première, elle qui est le style par excellence.

Mais dans des questions de cet ordre, il faut apporter la démonstration la plus sensible. D’ailleurs, nous ne nous occupons pas ici de philosophie ; il ne s’agit d’autre chose que de faire saisir les grands principes, les principes les plus simples à l’aide desquels le style pénètre les œuvres d’architecture.

On voudrait bien parfois se persuader que l’artiste possède en naissant la faculté de produire des œuvres de style, et qu’il lui suffit pour cela de se laisser aller à une sorte d’inspiration dont il n’est pas le maître. Cette idée, un peu trop générale, et caressée des esprits vagues, ne semble pas avoir été admise dans les temps qui ont su produire les œuvres les plus remarquables par le style. Alors on croyait au contraire que la production d’art la plus parfaite — les facultés de l’artiste admises, bien entendu — était la conséquence d’une profonde observation des principes sur lesquels l’art peut et doit tout d’abord s’appuyer.

Nous laissons aux poëtes et aux peintres à décider si ce qu’on appelle l’inspiration peut ou non se passer d’une profonde et longue observation ; mais pour l’architecture, elle est condamnée, par le côté scientifique, par les lois impérieuses qui la dominent, à chercher tout d’abord l’élément, le principe qui devra lui servir d’appui, et à en déduire avec une rigoureuse logique toutes les conséquences. Nous ne pouvons, en vérité, avoir la prétention de procéder en vertu d’une puissance plus forte que celle de la création, nous qui n’agissons qu’en observant les lois qu’elle a posées. Or, quand on reconnaît que la nature, tout inspirée qu’on la suppose, n’a pas réuni deux atomes sans se soumettre absolument à une règle logique, qu’elle a procédé avec un ordre mathématique du simple