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assiégeants. Le 6 janvier, ceux-ci avaient élevé la bastille Charlemagne en H, dans l’île de ce nom, et le boulevard de Saint-Privé, en I, de manière à commander le cours du fleuve en aval et à donner la main à la garnison du fort des Tournelles. Les Orléanais toutefois ne laissaient pas investir leur ville sans combats. Chaque jour était signalé par des sorties, des entreprises, soit pour combattre des partis anglais, soit pour disperser leurs travailleurs.

Pendant les mois de février, mars et avril, les Anglais étendirent leur investissement. Ils élevèrent successivement, sur la rive droite, les bastilles de la Croix-Boissié, en K ; des Douze pierres, ou de Londres, L ; du Pressoir des Ars, M ; d’entre Saint-Ladre et Saint-Pouair, en N, sur la route de Paris. En amont de la Loire, sur la rive droite, à l’extrémité de l’île Saint-Loup SL, et commandant la voie romaine d’Autun à Paris, a, ils firent un gros boulevard. Puis en O, sur la rive gauche ; en amont du fort des Tournelles, le 20 avril, ils achevèrent une dernière bastille dite de Saint-Jean le Blanc. Ainsi, les Orléanais ne pouvaient qu’à grand’peine recevoir des secours par la campagne, entre la route d’Autun et celle de Paris, dans la direction P.

Grâce à cet investissement encore incomplet[1], le 29 avril, Jeanne d’Arc put entrer dans la ville avec un convoi de vivres et de munitions sorti de Blois. Ce convoi avait pris par la Sologne, et traversa la Loire en face du port de Chessy, situé en amont à 2 kilomètres environ d’Orléans. De là il poursuivit sa marche par Boigny et Fleury, et entra dans Orléans par la porte de Saint-Aignan, R. Tout le monde sait comment, huit jours après l’arrivée de la Pucelle, les Anglais furent obligés de lever le siège ; leurs troupes, démoralisées, n’osaient sortir de leurs bastilles. Il ne s’agissait plus en effet pour eux de combattre des gens de guerre, mais un peuple tout entier, plein de fureur et se précipitant tête baissée sur les obstacles. Après trois jours de combats, les Anglais sont obligés d’abandonner leurs bastilles de la rive gauche, ils perdent le boulevard et le fort des Tournelles, et d’assiégeants deviennent assiégés dans les ouvrages qu’ils avaient élevés sur la rive droite. Désormais le peuple entre dans la lice, et le rôle des armées féodales va s’amoindrissant chaque jour.

Nous avons vu qu’à Toulouse, au commencement du XIIIe siècle, c’est le peuple de la ville qui résiste aux troupes de Simon de Montfort, c’est la municipalité qui organise la défense. Jusqu’au siège d’Orléans, sur le sol de la France, il ne se présenta plus un fait semblable. On comprend facilement que ce réveil des populations urbaines dut exciter l’étonnement et même les colères de la féodalité. Pour les chevaliers français

  1. Il faut reconnaître que les Anglais, qui n’eurent jamais plus de 11 000 hommes devant Orléans, ne pouvaient fermer complétement les abords. D’ailleurs, en présence d’assiégés qui chaque jour faisaient des sorties, ils étaient obligés de laisser beaucoup de monde dans les bastilles. Les quelques fossés de contrevallation qu’ils avaient tenté de creuser avaient été bouleversés par les Orléanais.