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[siège]
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Pour l’intelligence de ce qui va suivre, il est nécessaire de présenter ici un plan de la ville d’Orléans avec son enceinte au XVe siècle et ses abords (fig. 9). L’armée anglaise se présenta donc, comme nous l’avons dit, le 12 octobre 1428, devant la tête du pont d’Orléans, du côté de la Sologne. Les maisons du faubourg des Portereaux et le couvent des Augustins sis en A avaient été détruits par les habitants pour que les ennemis ne pussent s’y loger. Les Anglais dirigèrent leurs attaques contre le châtelet des Tournelles B[1] et le boulevard qui le couvrait. Après trois jours d’attaques, le fort n’étant plus tenable, les Orléanais l’abandonnèrent en l’incendiant et en coupant une arche du pont en C. Ils se fortifièrent dans le châtelet de la Belle-Croix construit sur le pont même à la hâte et en bois ; et dans la bastille Saint-Antoine située en D[2]. Les Anglais réparent le fort des Tournelles[3], où leur commandant, le comte de Salisbury, fut tué d’un boulet de pierre lancé de la tour Notre-Dame, en E[4]. Ne se trouvant pas assez en force pour continuer le siège, le 8 novembre ils se retirèrent vers Jargeau et Beaugency, en se contentant de laisser une garnison dans le châtelet des Tournelles. Les Orléanais mirent à profit ce répit : on abattit tous les édifices et maisons des faubourgs sur la rive droite ; églises, couvents, hôtels, tout fut brûlé et rasé de manière à ne laisser en dehors des remparts qu’un espace vide et déblayé. Cependant la garnison anglaise du fort des Tournelles avait reçu des bombardes, et envoyait dans la ville des projectiles qui pesaient jusqu’à 192 livres. Deux grosses pièces mises en batterie à la poterne du Chesneau, en F, et une coulevrine montée sur le boulevard de la Belle-Croix, causaient des dommages sérieux aux Anglais : les deux canons de la poterne du Chesneau lançaient des boulets de pierre de 120 livres.

Le 30 décembre, les Anglais revinrent en force[5] du côté de Beaugency, s’emparèrent des restes de l’église de Saint-Laurent (voy. en G) après un combat très-vif, et s’y fortifièrent. Pendant toute la durée du siège la

  1. Voyez Pont .
  2. Voyez, pour tous les détails du siège : le Journal du siège d’Orléans, le Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, avec notes, etc., publié par J. Quicherat (t. IV, p. 94), et l’Histoire du siège d’Orléans, par M. Jollois (Paris, 1833). Dès le commencement du siège, le peuple d’Orléans prend part à la défense. À l’attaque du boulevard des Tournelles, le Journal du siège cite les chevaliers français qui s’y distinguèrent : « Pareillement, ajoute-t-il, y feirent grand secours les femmes d’Orléans ; car elles ne cessoient de porter très diligemment à ceulx qui deffendoient le boulevert, plusieurs choses nécessaires, comme eaues, huilles et gresses bouillans, chaux, cendres et chaussetrapes. »
  3. « Ce meisme jour du dimenche que les Tournelles avoient esté perdues, rompirent les François, estans dedans la cité, ung autre boulevert très fort. Et d’autre part rompirent les Anglois deux arches du pont devant les Tournelles, aprez qu’ils les eurent prinses, et y firent ung très gros boulevert de terre et de gros fagotz. »
  4. Distance, 520 mètres.
  5. Leur armée pendant la durée du siège était de 10 à 11 000 hommes. Les forces des Orléanais, vers la fin de janvier 1429, étaient à peu près égales.