Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 8.djvu/420

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[siège]
— 417 —

soient assez que par ce point ils pouvoient être perdus ; et n’avoient garde de nul assaut fors que de celui-là ; car leur ville étoit bien pourvue d’artillerie et de vivres pour eux tenir deux ans, si il leur besognoit. Et avoient entre eux grand’cure et grand’entente comment ils pourroient rompre cette mine, et étoit le plus grand soin qu’ils eussent de la briser : tant y pensèrent et travaillèrent qu’ils en vinrent à leur entente, et par grand’aventure, si comme plusieurs choses adviennent souvente fois. Le comte Richard d’Arondel devoit une nuit faire le gait atout une quantité de ses gens. Ce comte ne fut mie bien soigneux de faire ce où il étoit commis, et tant que ceux de Saint-Malo le sçurent, ne sais par leurs espies ou autrement. Quand ils sentirent que heure fut et que sur la fiance du gait tout l’ost étoit endormi, ils partirent secrètement de leur ville, et vinrent à la couverte à l’endroit où les mineurs ouvroient, qui guères n’avoient plus à ouvrer pour accomplir leur emprise. Marfonace et sa route, tous appareillés de faire ce pourquoi ils étoient là venus, tout à leur aise et sans défense, rompirent la mine, de quoi il y ot aucuns mineurs la dedans éteints qui onques ne s’en partirent, car la mine renversa sur eux[1]… »

La mine, avec étais auxquels on mettait le feu, fut longtemps employée encore après l’emploi de la poudre à canon. L’idée de se servir de la poudre comme moyen de faire brèche ou de faire sauter des ouvrages, ne vint que beaucoup plus tard, vers le milieu du XVe siècle. Dans l’œuvre de Francesco di Giorgio Martini, architecte siennois, né vers 1435 et mort vers 1480, il est question de mines avec emploi de poudre à canon. Des plans indiquent les moyens de placer les fourneaux, de disposer les galeries et les mèches[2]. Quant aux engins à contre-poids, trébuchets, mangonneaux, pierrières, on les employa simultanément avec l’artillerie à feu vers la fin du XIVe siècle et le commencement du XVe. Froissart parle souvent, dans les sièges de la fin du XIVe siècle, de machines de jet, dont les effets étaient beaucoup plus désastreux que ceux produits par des bouches à feu d’un faible calibre[3]. On ne cessait d’ailleurs de perfectionner ces engins, comme si l’artillerie à feu ne pouvait être bonne qu’à remplacer les grandes arbalètes à tour.

Pour pouvoir prendre la ville de Bergerac, les Français, en 1377, envoient chercher à la Réole une grande machine de guerre que l’on appelait truie, « lequel engin étoit de telle ordonnance que il jetoit pierres de faix ; et se pouvoient bien cent hommes d’armes ordonner

  1. Froissart, liv. II, chap. XXXV.
  2. Voyez l’édition de ce curieux ouvrage, publiée pour la première fois à Turin, en 1841 : Trattato di archit. civile e militare di Franc. di Giorg. Martini… pubb. per cura del cavaliere Cesare Saluzzo, etc. 2 vol. de texte ; atlas.
  3. Il faut remarquer que du Guesclin ne paraît pas s’être servi de bouches à feu, soit pour la défense, soit pour l’attaque des places. Il semblerait que ces engins imparfaits ne lui inspiraient aucune confiance.