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commandant et dit aux éclaireurs : « Vous n’êtes bons qu’à piller sur les grands chemins ; si j’eusse couru moi-même, j’aurais bien su trouver les Anglais. C’est ici leur chemin, ils y passeront, et nous les attendrons. » En effet, les Anglais se présentent bientôt sur les coteaux, vers Jouy.

L’armée de du Guesclin se trouvait postée alors dans des prairies qui ont environ 1500 mètres de largeur entre l’Eure et les coteaux assez escarpés qui bordent la rive gauche de cette rivière. Les Français avaient donc celle-ci à dos et étaient maîtres du pont qui conduit au village de Cocherel ; sur les coteaux, des bois ; sur les pentes, des haies. L’armée du captal se trouvait ainsi dans une position inabordable. Descendre en plaine, attaquer les gens de du Guesclin, ce n’était pas une manœuvre prudente, car, en examinant les localités, on reconnaît qu’entre les prés occupés par les Français et la colline, il y a une dépression et des coupures naturelles. Pendant deux jours et deux nuits, les armées s’observent. Du Guesclin s’oppose à toute attaque, le captal en fait de même de son côté. Cependant les batailles sont bien ordonnées de part et d’autre, et chacun demeure à son poste. La seconde nuit Bertrand réunit les seigneurs : « Dès l’aube, dit-il, faisons passer notre harnais et notre bagage de l’autre côté de l’Eure, nous, bien ordonnez suivant nos batailles, nous les accompagnons sur les flancs et les couvrons en queue, comme si nous battions en retraite. Nous voyant ainsi tourner le dos et prêts à passer une rivière, les Anglais ne pourront résister au désir de nous attaquer et descendront la montagne. Nous, alors, ayant laissé filer tous les bagages et les valets, nous ferons face en arrière, et nous nous jetterons sur les Navarrois et les Anglais fatigués par une longue course[1]. » Les choses se passèrent ainsi que du Guesclin l’avait prévu ; mais il avait affaire à forte partie, et les gens du captal soutinrent vivement l’attaque. Alors une troupe de deux cents lances est détachée de l’armée des Français, elle tourne vers la montagne, cachée par des bosquets, puis, ayant percé des haies, elle se précipite sur les derrières du captal. Cette manœuvre décide de la journée[2].

    du Guesclin que celle de Froissart. En effet, du Guesclin, en partant de Rouen pour aller à la rencontre du captal, sur la route d’Évreux, devait passer à Pont-de-l’Arche, à Vernon, mais ne dut pas pousser jusqu’à Pacy, puisqu’il arrête sa troupe à Cocherel et traverse l’Eure sur ce point.

  1. « Et cil ont respondu (les barons) : « Cilz consulz si est bons
    Tout ainsi sera fait et trestous l’ottrions.
    Dont on fait assavoir à chascun ses façons ;
    Tout ainsi c’on aprent us enfans lor leçons,
    Ainsi fu à chascun faite division. »

    Ce passage est curieux : il fallait un capitaine de la trempe de du Guesclin pour pouvoir ainsi imposer un ordre donné avec netteté à une armée composée en grande partie de seigneurs plus disposés à suivre leur fantaisie que les commandements d’un chef.

  2. Froissart raconte un peu différemment l’issue de la bataille de Cocherel. Il parle