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Dès l’aube, le lendemain, tout est préparé dans le camp de du Guesclin pour attaquer. Les arbalétriers, couverts de leurs pavois, sont ordonnés devant les lices. Dans un bois proche de la place ont été concentrés mille hommes de corvée et cent chars attelés, pour préparer les engins nécessaires et les transporter au point indiqué. Près des fossés s’avancent les arbalétriers, qui commencent un tir nourri contre les crénelages. Des échelles apportées de Guingamp sont disposées derrière les lignes d’arbalétriers.

D’autre part, les gens du château ne restent pas oisifs. En vingt endroits ils ont fait, sur les chemins de ronde supérieurs, des dépôts de tonneaux et de barils remplis de terre et de cailloux, de pains de chaux vive[1].

Bertrand, présent partout, encourage son monde à tenir bon :

« Or avant ! bonne gent, soiez fier et esmaux ;
Assailliez fièrement, ce sera nos hostaux ;
Anuit y logerai, ains que couche solaux[2]. »

Il fait forcer les défenses de la baille devant lui. On apporte alors les échelles ; les archers et arbalétriers assiégeants redoublent leur tir : nul ne peut se montrer entre les merlons sans être frappé[3]. Les bourgeois de Guingamp comblent les fossés de fascines. Sur les échelles se précipitent les soldats armés pour l’assaut, portant attachés sur leur tête pavois, écus nervés.

En même temps Bertrand fait briller et jeter bas la porte du châtelet[4], force cette première entrée, et se présente sur la chaussée qui, de ce châtelet, conduit à la porte du château, dont la herse est abaissée. Sur cette chaussée se trouvent les défenseurs. Bertrand fait avancer ensemble vingt arbalétriers pour couvrir ses assaillants. Ceux-ci s’avancent avec leurs échelles, les plantent contre les défenses de la porte ; les hommes d’armes attaquent les restes des défenseurs du châtelet. Cinquante soldats ont déjà gagné les crénelages, et un écuyer de Normandie, s’adressant à du Guesclin :

« Sire, votre pennon, pour Dieu, je vous en prie ! »

Il le plante sur le parapet. La herse est levée, et les assaillants se pré-

  1. « On se doit garnir de grant foison de dures pierres et caillous, et mectre sur les murs et sur tours à grant quantité, et emplir plusieurs grans vaisseaulx de chaulx ; et quant les ennemis approchent, ceuls vaisseauls doivent estre lanciez jus des murs et respandue celle chaulz, laquelle entre ès yeulz des assaillans, et les rent comme avugles. » (Christine de Pisan, Le livre des fais et bonnes meurs de sage roy Charles, chap. XXXVI.)
  2. Chron. de Bertran du Guesclin, vers 3133 et suiv.
  3. « Aux créneaux ne s’osoient amonstrer, ce créez,
    Pour le trait qui venoit, qui doit etre doublez. »

  4. « La porte par devant l’ost arse et dépécie. »