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est ainsi établie, on apporte de la terre, des branches, des fascines, dans l’espace clayonné, puis on monte un second rang de piquets et de clayonnages b ; on continue à garnir de terre. À mesure que l’ouvrage s’avance sur le devant, on le complète en arrière, et on le monte à la hauteur voulue, ainsi que la rampe K, qui conduit à sa partie supérieure. Sur cette plate-forme sont posés de forts madriers, puis les pierrières en batterie, destinées à détruire les défenses des tours. Pour battre les engins des assiégés M, une petite plate-forme est supposée établie en L. Le chat est amené dans la galerie O, ménagée sous le bastillon. Bien abrité, il peut attendre le moment où on le coulera en O′, dans le fossé, sur des remblais jetés par son orifice antérieur. Une vue cavalière (fig. 8) fera, pensons-nous, complétement saisir cet ensemble de travaux, qui ne pouvaient se faire qu’avec beaucoup de monde et assez lentement. Pendant des semaines, des hommes de corvée n’étaient occupés qu’à abattre et charrier du bois, à façonner des claies, à tresser des cordages, à fendre du merrain. Les chefs militaires donnaient habituellement ces travaux à l’entreprise, comme nous l’avons vu plus haut, et ces entrepreneurs ont des noms roturiers.

Mais une entreprise telle qu’un siège d’une place forte importante était longue, dispendieuse ; la défense, depuis le milieu du XIIe siècle jusque vers le milieu du XIVe, conserve évidemment une supériorité sur l’attaque. Jusqu’à cette dernière époque, le système d’attaque des places ne se modifie pas d’une manière sensible. Le temps des grands sièges est passé en France, et les deux batailles de Crécy et de Poitiers se livrent en rase campagne. Mais, sous Charles V, Bertrand du Guesclin ne s’en tient plus guère aux traditions, et, comme tous les grands capitaines, adopte un système d’attaque nouveau alors, et qui lui fait obtenir des résultats surprenants. Du Guesclin laisse de côté les moyens lents qui découragent les troupes et exigent un attirail considérable, des terrassiers, des approvisionnements énormes de bois, des charrois difficiles dans des provinces où les routes étaient rares et mauvaises. Grâce à son coup d’œil prompt, à sa bravoure personnelle, à la confiance de ses troupes dévouées et aguerries, composées en grande partie de routiers habitués aux fatigues, il ne s’embarrasse pas d’investir méthodiquement les places ; il se présente sur un point qu’il sait choisir, dresse ses machines, attaque les abords avec furie, pousse les assiégés l’épée dans les reins, et, sans leur donner le temps de se reconnaître, les fatigue et les déconcerte par des assauts successifs, pendant qu’il couvre les remparts d’une pluie de projectiles. Quelquefois il prend les villes par des coups d’audace.

À la tête des gens de Guingamp, il se présente devant le château de Pestien, place très-forte et bien munie. Il vient droit aux bailles, fait appeler le châtelain et le somme de se rendre. Le châtelain le raille, et lui répond qu’il ne saurait livrer place aussi forte et où il peut tenir un an.