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place importante, à s’emparer des barbacanes, parce que les barbacanes prises, il devenait impossible aux assiégés de tenter des sorties, et qu’alors les travaux du siège pouvaient se poursuivre sans avoir à craindre leur destruction. Les pierrières, mangonneaux, trébuchets, n’ayant guère qu’une portée de 150 mètres, il fallait, pour établir des batteries de ces engins, s’assurer d’abord que les assiégés ne pourraient venir instantanément les briser ou les incendier. D’ailleurs les barbacanes, formant des saillants considérables, donnaient par conséquent des flanquements qu’il fallait tout d’abord enlever aux assiégés. Quand les barbacanes, étaient prises, quand les lices, étaient occupées ou enfilées par des ouvrages extérieurs, l’investissement était effectif et les opérations du siège étaient menées régulièrement. Les assiégés, à l’aide d’engins dressés sur des plates-formes ou sur des tours, ou derrière les courtines, ne pouvaient empêcher la poursuite des travaux des assiégeants, qui se garantissaient par des épaulements, des mantelets, et qui, derrière des clayonnages, postaient des archers et des arbalétriers occupés sans cesse à couvrir de projectiles les crénelages des chemins de ronde. Les premières opérations des assiégeants, devant une place bien garnie et bien défendue, consistaient donc à s’emparer d’abord des barbacanes. Ayant les barbacanes, on avait les lices ; ayant les lices, la garnison ne pouvait plus sortir de la place, et alors commençaient les travaux de mine pour faire brèche, ou encore l’approche des beffrois destinés à jeter une colonne d’attaque sur les chemins de ronde[1].

En 1216, Louis, fils de Philippe-Auguste, avait été mettre le siège devant le château de Douvres, à la tête d’un nombreux corps d’armée. Devant le château de Douvres était une barbacane bien palissadée de troncs de chêne et entourée d’un fossé. Louis laissa une partie de ses troupes en bas, dans la ville, et alla s’établir sur la falaise devant la forteresse, afin de compléter l’investissement. « Lors fist Looys drecier ses pierières et ses mangouniaux pour jeter à la porte et au mur ; si fist faire .i. castel de cloies moult haut, et un cat por mener au mur ; ses mineours fist entrer el fossé, qui minèrent la piere et la tierre dessous le roilleis. Puis les fist assaillir as chevaliers de l’ost ; si fu tantost la barbacane prise…[2] » Pour prendre la barbacane du château de Douvres, on élève en face un bastillon de clayonnages rempli de terre, suivant l’usage. On obtient ainsi un commandement sur les ouvrages de la barbacane ; on place une batterie d’engins sur ce bastillon, puis on fait avancer un chat dans le fossé, jusqu’au pied du talus portant la défense en bois, et l’on mine sous ces défenses. La barbacane prise, Louis fait miner une des deux tours de la porte, qui s’écroule. La colonne d’assaut s’élance ; mais les assiégés la repoussent avec vigueur, puis barricadent la

  1. Voyez Architecture Militaire, fig. 15 et 16 ; Engin, fig. 32.
  2. Hist. des ducs de Normandie, manuscrits de la Bibliothèque impériale, publiés par Franç. Michel (Société de l’histoire de France), 1840.