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attachait les mineurs aux escarpes et qu’on établissait des chats, des galeries ou des tours de bois mobiles pour renverser ou dominer les défenses. L’attaque devait être immédiate, rapprochée et partant active, incessante, pour ne pas laisser aux assiégés le loisir de détruire des ouvrages qui ne pouvaient être faits habituellement qu’après des combats acharnés au pied des murs, entre les lices ou devant les palis. Si les remparts étaient trop élevés ou trop bien garnis de hourds pour qu’il fût possible de tenter des échelades ; s’ils étaient assez épais pour résister à l’effet des projectiles lancés par les engins ou au bélier, il fallait en venir à miner. L’art de miner paraît s’être développé dans les guerres de Syrie, et avoir été particulièrement pratiqué par des hommes du Nord ; flamands, brabançons, boulonnais. Il est certain que cet art était poussé très-loin dès le commencement du XIIIe siècle.

Il y avait diverses sortes de mines et divers modes de miner. La place assiégée était-elle bâtie sur un escarpement de rocher, ou en terre pleine, ou entourée de fossés remplis d’eau, le travail du mineur se modifiait suivant ces situations différentes. Il fallait aborder le rempart, la tour ou la courtine. Si la défense était élevée sur un escarpement de rocher, des galeries de bois, s’emboîtant et sortant les unes des autres par travées comme les tubes d’une longue-vue, étaient peu à peu dirigées contre la paroi du roc. Arrivé là, le mineur s’attachait au rocher, et commençait à creuser en cheminant obliquement et en montant jusque sous les fondations ; sous ces fondations et au point de leur assise sur le roc, il traçait des zigzags horizontaux, en ayant le soin d’étayer la galerie de mine derrière lui. Quand on jugeait qu’il y avait une assez grande étendue de rempart minée, les ouvriers se retiraient après avoir amoncelé des fagots dans la galerie et mettaient le feu à ces bois ; les étais se calcinaient, et la muraille s’affaissait. Dans ce cas, l’assiégé ne pouvait ignorer que ses remparts fussent minés, puisqu’il voyait s’avancer peu à peu le chat jusqu’au roc sur lequel la défense s’appuyait. Il essayait de détruire par le feu ou par des projectiles pesants ce chat, cette galerie qui gagnait le pied du rempart ; mais, s’il n’avait pu la détruire, si les ouvriers étaient à l’œuvre, il n’avait d’autre ressource que de contre-miner. Souvent les mineurs du dehors et ceux du dedans travaillaient à quelques pas les uns des autres sans se rencontrer.

Si les défenses étaient établies en terre pleine, avec fossé sec et contrescarpe, les assiégeants ouvraient leurs galeries de mine à une assez grande distance, dans des maisons de faubourg, derrière des murs ou des plis de terrain ; ils allaient chercher le sol sous le fossé, le traversaient en tunnel, arrivaient sous les fondations des remparts, et commençaient leurs galeries et chambres étançonnées. Alors les assiégés pouvaient ignorer si on les minait, et sur quels points étaient dirigés les mineurs. Ils cherchaient à découvrir la présence de ceux-ci en plaçant sur les chemins de ronde de petits bassins pleins d’eau : quand on voyait la surface du liquide se rider, on en tirait la conséquence que les mi-