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[siège]
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ne se bornent pas à ces deux attaques. Pendant qu’ils battent la barbacane D du château, qu’ils minent la barbacane N de la porte Narbonnaise, ils cherchent à entamer une portion des lices[1], et ils combinent une attaque sérieuse sur le point faible en I[2], entre l’évêché et l’église cathédrale de Saint-Nazaire, marquée en S sur notre plan. Comme nous l’avons dit, le plateau sur ce point s’étendait presque de niveau avec l’intérieur de la ville de I en O ; et c’est pourquoi saint Louis et Philippe le Hardi firent en dehors de l’enceinte wisigothe un ouvrage considérable sur ce saillant. L’attaque des troupes de Trincavel est de ce côté (point faible) très-vivement poussée ; les mines atteignent les fondations de l’enceinte des Wisigoths[3] ; le feu est mis aux étançons, et dix brasses de courtines s’écroulent[4]. Mais les assiégés se sont remparés en retraite avec de bonnes palissades et des bretêches ; si bien que les gens du vicomte n’osent tenter l’assaut. Ce n’est pas tout, un travail de mine est fait aussi devant la porte de Rodez, en B ; les assiégés contre-minent et repoussent les travailleurs ennemis. Cependant des brèches étaient faites sur divers points ; le vicomte Raymond de Trincavel craignait de voir d’un moment à l’autre déboucher les troupes de secours envoyées du nord, il se décide à tenter un assaut général. Ses troupes sont repoussées avec des pertes notables, et quatre jours après, sur la nouvelle de la venue des gens du roi, il lève le siège, non sans avoir mis le feu aux églises du faubourg, et entre autres à celle des Minimes R.

Cette analyse des documents qui nous restent sur le siège de Carcassonne fait connaître qu’alors, au milieu du XIIIe siècle, le travail du mineur était le moyen de destruction le plus habituellement employé contre les places bien fortifiées. Les troupes de Trincavel paraissent procéder avec méthode : elles prennent les positions les plus favorables à l’attaque, elles occupent la garnison sur plusieurs points, et sur plusieurs points faibles ; elles dirigent leurs travaux contre les barbacanes des portes, considérant celles-ci comme plus faciles à forcer qu’un front. Aussi quels soins, quels moyens puissants Louis IX, et plus tard son fils, emploient-ils pour rendre ces portes inexpugnables et pour commander les saillants et les points faibles !

Les assiégeants font ouvrir leurs tranchées de mine dans les maisons qu’ils occupent autour de la cité[5], afin de dérober leur travail aux assiégés. Ils attendent que plusieurs brèches soient faites sur divers points pour tenter un assaut général. Adossés à un fleuve, ayant une forteresse

  1. Non désignée dans le rapport de Guillaume des Ormes.
  2. « Item minaverunt ad cornu civitatis, versus domum episcopi. »
  3. « Venerunt subtus quemdam murum sarracenum, ad murum de liceis. »
  4. La porte de l’enceinte des Wisigoths existe encore, mais ne donne aujourd’hui que sur les lices de saint Louis. Elle est de construction romane et restaurée au XIIIe siècle. C’est cette porte que Besse nomme la porte des Amandiers ou des Ameliez, à cause du petit bois d’amandiers qui se trouvait dans son voisinage.
  5. « Et inceperunt minare de domibus suis, ita quod nihil sciebamus ; antequam ad