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ville. Mais ces travaux, les attaques du dehors et des assiégés, étaient un enseignement pour les chefs des croisés. Après l’affaire de Harenc, les princes se décident à établir un camp retranché sur la hauteur située vers l’est, en amont de la ville. Plus tard, après une vigoureuse sortie des assiégés, qui mit l’armée des croisés en péril, une bastille est élevée en face du pont de pierre pour intercepter toute communication des habitants avec la rive droite. Cet ouvrage fut fait de pierre, avec les tombes d’un cimetière turc, et un fossé profond le protégea. Cinq cents hommes y furent postés. Les gens d’Antioche ne pouvaient plus sortir que par la porte la plus occidentale, placée entre le pied d’un escarpement et le fleuve. Tancrède établit un second bastillon sur le coteau faisant face à cette porte, de manière à la commander complètement. À ce sujet, Guillaume de Tyr signale un fait curieux. Tancrède est élu par ses compagnons pour ordonner cet ouvrage, d’un établissement périlleux et difficile à cause de la proximité des remparts. Mais ce chef s’excuse en arguant de l’insuffisance de sa fortune particulière. Le comte de Toulouse lui donne alors cent marcs d’argent, et, afin que les ouvriers employés à la construction de ce fort pussent recevoir un salaire convenable, on leur alloue quarante marcs par mois sur le trésor public. Ainsi les ouvrages de siège étaient offerts au plus digne, par voie d’élection entre les chefs. Le directeur élu avait personnellement des frais à faire, probablement des acquisitions de matériaux, des transports, et cette masse de pèlerins qui encombrait l’armée, que Guillaume de Tyr appelle le peuple, n’était que des ouvriers auxquels on donnait un salaire. Cette armée qui traverse toute l’Asie Mineure, suivie d’une multitude, avait avec elle ainsi des charpentiers, des maçons, des forgerons, des corroyeurs, des tailleurs, des armuriers, des huchiers, etc., dont elle payait les services. Il n’est donc pas surprenant que ceux parmi ces gens qui revenaient en Occident rapportassent, après un séjour assez long en Orient, des influences des arts asiatiques.

Antioche ne fut prise cependant que par la trahison d’un de ses habitants.

Il n’en fut pas de même à Jérusalem ; mais l’armée des croisés acquérait en expérience, en discipline, ce qu’elle perdait en nombre.

Ce fut le 7 juin 1099 que les Occidentaux dressèrent leur camp devant la ville sainte. Ils n’étaient pas assez nombreux pour l’investir entièrement et se contentèrent de disposer leurs quartiers du côté du nord et du nord-ouest, depuis la porte de Saint-Étienne, qui, près du mont Moriah, fait face à l’est, jusqu’à la porte de Jaffa, qui est percée près de la tour de David ; car il n’y avait pas à attaquer la place du côté de la vallée du Cédron. C’est aussi sur ce front nord-nord-ouest que Titus avait dirigé ses attaques. Peu après l’arrivée des croisés, le comte de Toulouse, qui commandait l’attaque en face de la tour de David, porta une partie de son camp vers le sud-ouest, au point où le mont Sion s’étend au nord des remparts et où était élevée l’église de Sion. L’armée des croisés occupait