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fait, non ce qu’ils ont fait. Il en est de cela comme de la poésie : celle-ci est toujours nouvelle et jeune, parce qu’elle réside dans le cœur de l’homme ; mais tout attirail poétique vieillit, même celui de Virgile, même celui d’Homère.

Le lever du soleil est toujours un spectacle émouvant et neuf ; et si nos premiers parents pouvaient dire que les cavaliers célestes, les Acwins, précédaient le char de Sâvitri à la main d’or ; Homère, que l’Aurore aux doigts de rose ouvrait les portes de l’Orient ; les trouvères, que le soleil sortait des flots ou de la plaine ; ne devrions-nous pas dire : « Dans leur révolution, nos plaines, nos montagnes, de nouveau se présentent aux rayons du soleil. » En faisant tomber de leur sphère surnaturelle tous les mythes poétiques des Védas, de l’antique Hellade, n’avons-nous pas aperçu, derrière ces personnifications des forces de la nature, des horizons bien autrement étendus, et l’épopée scientifique de la formation de l’univers n’offre-t-elle pas à l’esprit de l’homme une large pâture, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir les Titans et le règne de Saturne ? Soyons vrais : dans l’art, c’est à la vérité seule qu’il faut demander la vie, l’originalité, la source intarissable de toute beauté.

SÉPULCRE (SAINT-), s. m. Depuis Constantin le Grand, le Saint-Sépulcre de Jérusalem est peut-être le monument dont la célébrité a été la plus durable et la plus manifeste. Cependant l’édifice bâti par l’empereur de 326 à 335 ne ressemblait guère à celui que l’on voit aujourd’hui, ni même au temple que visitèrent les premiers pèlerins occidentaux. Du monument de Constantin il ne reste guère que les murs inférieurs de l’abside, au centre de laquelle la grotte où fut enseveli le Sauveur avait été réservée et dégagée de la colline rocheuse. Ce premier temple comprenait, outre un vaste hémicycle garni d’un portique intérieur, une basilique avec narthex et vestibule ou propylées. Ces constructions furent entièrement bouleversées en 614 par Chosroès II, roi des Perses ; elles renfermaient ce qu’on appelle les lieux saints. Peu après, Modeste, supérieur du couvent de Théodose, entreprit, avec l’aide du patriarche d’Alexandrie, Jean l’Aumônier, de réparer le dommage ; mais ce religieux ne put que recouvrir partiellement chacun des locaux sacrés par des édifices séparés. Alors l’abside ou l’hémicycle de Constantin fut complété, et devint une sorte de rotonde[1]. Des travaux importants furent encore entrepris pendant le XIe siècle et achevés en 1048 par des architectes grecs. Les premiers croisés ajoutèrent à ces constructions, vers 1130, une nef composée de deux travées et une abside en regard de l’ancien hémicycle de Constantin. Un narthex compléta cette restauration, et sous le parvis qui précède ce narthex, on répara en partie la chapelle bâtie au VIIe siècle, qui recouvre la citerne où fut trouvé, par sainte Hélène,

  1. Voyez les Églises de la terre sainte, par le comte Melchior de Vogüé (V. Didron, 1850). Cet ouvrage donne du Saint-Sépulcre une excellente histoire critique.