Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 8.djvu/205

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[sculpture]
— 202 —

XIIe siècle et que l’on voit encore entière rue du Vieux-Poirier. Cette porte est d’abord fort intéressante comme construction en ce qu’elle présente un linteau appareillé supportant un tympan et déchargé par un arc plein cintre. Le tympan, en reliefs très-plats, représente, au sommet, des fabliaux ; au-dessous, dans la seconde zone, une châsse qui paraît copiée d’après ces bas-reliefs si fréquemment sculptés sur les sarcophages des Bas-temps. Dans la zone inférieure, les travaux des mois de l’année. Sur le linteau appareillé se développe un enroulement quasi romain. À côté de ces sculptures, qui sont évidemment imitées des fragments antiques si nombreux à Bourges au XIIe siècle, se trouvent des pieds-droits, des chapiteaux et colonnettes engagés que l’on croirait copiés sur de la sculpture de Constantinople, si bien que plusieurs ont cru longtemps que cette porte, élevée au XIIe siècle, avait été complétée à l’aide de fragments d’une époque antérieure. Cela n’est pas admissible cependant, car en y regardant de près, les figures sont vêtues d’habits du XIIe siècle ; le faire, la taille, les inscriptions, appartiennent à cette époque. D’ailleurs, sous le tympan, un cartouche contient cette légende :

Voici (fig. 42) une partie de cette porte qui indique clairement ces juxtapositions des styles gallo-romain et byzantin. On voit même que l’ouvrier chargé de l’exécution du piédroit A avait déjà modelé la partie supérieure de l’ornement dans le goût de celui du linteau et que brusquement il abandonne cette exécution lourde et molle pour adopter le style serré, plat, en façon de gravure, de l’ornement byzantin. La colonnette est entièrement sculptée dans ce style oriental. Nous en donnons un fragment en B.

On voit apparaître dans le Berry, à Châteauroux (église de Déols), à Saint-Benoît-sur-Loire, à Saint-Aignan, à Neuvy-Saint-Sépulcre, etc., dans la sculpture d’ornement de la fin du XIe siècle au milieu du XIIe, les traces non douteuses de ce rapprochement entre l’art gallo-romain corrompu et l’art gréco-romain de Syrie importé dès les premières croisades, sans que de ce mélange il résulte tout d’abord un art formé, complet comme dans le roman du Midi, celui de Cluny ou celui de l’Ouest. Ces artistes tâtonnent pendant presque toute la première moitié du XIIe siècle, sans