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toute cette partie de l’Orient, visitée plus tard par les croisés, une quantité de monuments dans lesquels la sculpture d’ornement prend un caractère particulier, évidemment issu de l’antique art grec, mais profondément modifié par les influences romaines et asiatiques. Aussi dans son Avant-propos, M. le comte Melchior de Vogüé, reconnaissant combien notre art du XIIe siècle se rapproche de cet art gréco-romain de Syrie, termine-t-il par ce passage : « Tandis qu’en Occident le sentiment de l’art s’éteignait peu à peu, sous la rude étreinte des barbares, en Orient, en Syrie du moins, il existait une école intelligente qui maintenait les bonnes traditions et les rajeunissait par d’heureuses innovations. Dans quelles limites s’exerça l’influence de cette école ? Dans quelle mesure ses enseignements ou ses exemples contribuèrent-ils à la renaissance occidentale du XIe siècle ? Quelle part enfin l’Orient byzantin eut-il dans la formation de notre art français du moyen âge ?… »

M. le comte Melchior de Vogüé nous fournit une partie des pièces nécessaires à la solution de ces questions, en ce qui touche à l’architecture et à la sculpture. Celle-ci ne se compose que d’une ornementation toujours adroitement composée, mais sèche et plate ; la figure humaine et les animaux font absolument défaut, sauf deux ou trois exemples, un agneau, des paons, très-naïvement traités. Ce sont presque toujours des feuilles dentelées, découpées vivement, cannelées dans les pleins de manière à obtenir une suite d’ombres et de clairs sans modelé. Du IVe au VIe siècle, ce genre d’ornementation varie à peine. À cette ornementation empruntée à une flore toute de convention se mêlent parfois — surtout dans les édifices les plus éloignés de la chute du paganisme — des combinaisons géométriques, des entrelacs obtenus par des pénétrations de cercles ou de lignes droites suivant certains angles. En examinant ces jolis monuments, si habilement entendus comme structure, conçus si sagement en vue du besoin et de l’emploi des matériaux, toujours d’une heureuse proportion, qui présentent un si grand nombre de dispositions originales, on est surpris de trouver dans l’ornementation cette sécheresse, ce défaut d’imagination, cette pauvreté de ressources. Les églises, couvents, villas, bains, maisons, qui témoignent d’un état de civilisation très-parfait, présentent à peu près la même ornementation pendant l’espace de trois siècles, et cette ornementation ne s’élève pas au-dessus du métier. Elle n’est qu’un poncif tracé sur la pierre, enfoncé de quelques millimètres dans les intervalles des feuilles ou brindilles, des fruits ou rosettes, et uniformément modelés à l’aide de ce coup de ciseau en creux vif. D’ailleurs, les anciennes sculptures de l’église de Sainte-Sophie présentent le même faire, avec un peu plus de recherche dans les détails. Les artistes occidentaux, à dater des premières croisades, s’inspirent évidemment de cet art. Nous avons fait ressortir à l’article Profil, comment ils copient les moulures, mais ils ne se bornent pas à cet emprunt : ils prennent aussi des procédés de structure, des dispositions de détails et cette ornementation sèche et