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[sculpture]
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partie de la terre, pour y faire mourir les hommes par l’épée, par la famine, par la mortalité et par les bêtes sauvages »[1]. L’apparition des quatre chevaux de l’Apocalypse est rendue dans un grand nombre d’édifices religieux de cette époque, à la cathédrale de Reims notamment ; mais quelle différence dans la manière dont est exprimée cette scène !


Ici, à Notre-Dame, l’artiste a donné à celui qui monte le quatrième cheval la figure d’une femme, la Mort. Elle a les yeux bandés. Il semble qu’elle se soit élancée sur ce cheval monté par l’homme orgueilleux, et que du même coup elle ait éventré cet homme dont la tête traîne dans la poussière. Cette façon d’interpréter ce verset de l’Apocalypse, de le traduire en sculpture, le geste de la Mort dont les jambes étreignent fortement le cheval, le mouvement abandonné de l’homme, l’expression effarée de la tête de l’animal, la composition des lignes de ce groupe, présentent un ensemble terrible. Il est difficile d’aller plus loin dans l’expression dramatique. L’exécution même a quelque chose de heurté, de rude, qui s’harmonise avec le sujet. La tête de l’animal, celle de l’homme renversé, sont des œuvres de sculpture remarquables et dont notre figure

  1. Apocalypse de saint Jean, chap. VI, v. 8.