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ches courbes en ab et sur les intervalles en ac. Ces redents datent de 1240 environ.

Au lieu d’être fermée par des linteaux, la porte centrale du portail de la cathédrale de Bourges est terminée par deux arcs plein cintre ornés de redents richement sculptés qui se découpent sur le vide de la baie. La figure 4 est un de ces redents tenant au claveau de l’arc de structure et le renforçant. Cette décoration appartient aux constructions de la cathédrale de Bourges élevées entre 1240 et 1250.

Les articles Gâble, Pignon, montrent l’application des redents aux rampants qui se détachent, soit sur des nus, soit sur le ciel. Il est utile d’observer, à ce sujet, combien ces détails sont généralement bien mis à l’échelle de l’architecture qu’ils couronnent, et comme, lorsqu’ils sont destinés à se découper sur le ciel, ils prennent juste la valeur relative qu’ils doivent avoir. Nous citerons, parmi les redents les plus heureusement mis en proportion, ceux qui couronnent le pignon du transsept nord de la cathédrale de Paris, redents dont des morceaux entiers ont été retrouvés sous les combles, et qui ont été replacés depuis peu (voy. Sculpture).

RÉDUIT, s. m. Dernier refuge d’une forteresse. Les villes fortifiées du moyen âge avaient leur réduit, qui était le château ; le château avait son réduit, qui était le donjon. Le donjon avait même parfois son réduit, dernière défense permettant d’obtenir une capitulation, ou de prendre le temps d’évacuer la place par des souterrains ou des poternes masquées. La défense des places et des postes était si bien divisée pendant le moyen âge, qu’elle pouvait se prolonger pour chaque poste, pour chaque tour. Elle était à outrance au besoin ; de telle sorte qu’une poignée d’hommes déterminés tenait en échec, à l’occasion, un corps d’armée. C’est ainsi que nous voyons de puissants seigneurs, à la tête de troupes nombreuses, obligés d’assiéger pendant des mois une petite garnison d’une centaine d’hommes. On prenait un ouvrage, il fallait recommencer. On prenait une partie d’un donjon, il fallait prendre l’autre. On s’emparait d’une porte ; la tour voisine, réduit de cette défense, tenait encore.

La ténacité est certainement, dans l’art de la guerre et surtout dans la guerre de sièges, une qualité supérieure. La féodalité nous a été une dure école pour acquérir cette qualité. Nous la possédions, et nous avons montré que nous la possédons encore, à la guerre du moins. Soyons donc plus équitables lorsqu’il s’agit de porter un jugement sur cette vieille institution contre laquelle il n’est pas besoin de tant invectiver, puisqu’elle est bien morte et que nous avons recueilli le meilleur et le plus pur de son héritage. Qui oserait dire que dans les veines de ces petits fantassins abandonnés dans un blockaus ou dans quelque village, pivot d’une grande manœuvre, et qui brûlent jusqu’à leur dernière cartouche, sans espoir d’être secourus, il n’y a pas un peu de ce sang tra-