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leurs principes de proportions par voie géométrique, dans des monuments d’utilité publique, dans des maisons, dans des ouvrages même de défense ; car ils ne pensaient pas qu’une tour se défendît plus mal contre des assaillants parce qu’elle était établie sur d’heureuses proportions. Et c’est en cela que nous n’hésitons pas à donner à ces maîtres trop méconnus un brevet d’artiste. Certes il était plus aisé de mettre un monument en proportion par des combinaisons de nombres, indépendamment de l’échelle humaine, que de satisfaire les yeux en observant la loi de l’échelle humaine. Alors les combinaisons de nombres ne pouvaient plus être appliquées, car il fallait toujours partir d’une unité invariable, la taille de l’homme, et cependant trouver des rapports harmonieux : on comprend comment, dans ce dernier cas, la méthode géométrique devait être préférée à la méthode arithmétique.

Prenons encore un exemple, tiré cette fois d’un édifice civil. La façade de l’ancien hôpital de Compiègne date du milieu du XIIIe siècle : c’est un simple pignon fermant une salle à deux travées. Pour mettre cette façade (fig. 12) en proportion, l’architecte s’est servi du triangle égyptien, c’est-à-dire du triangle dont la hase a quatre parties, et la perpendiculaire abaissée du sommet sur la base deux et demie. Non-seulement l’inclinaison de la pointe du pignon est donnée par les côtés du triangle, mais notre figure fait voir que les lignes parallèles à ces côtés donnent les niveaux des chapiteaux a, des bases b, des chapiteaux d, du glacis c ; que ces côtés sont répétés en f, au-dessus des fenêtres supérieures, et tracent des gâbles qui n’ont d’autre raison d’être que de rappeler le triangle générateur ; que les arcs des fenêtres g sont inscrits dans les côtés des triangles ; que l’œil rencontre des points h, i, m, n, tous posés sur ces côtés. La méthode admise, l’architecte établissait, par exemple, un rapport géométrique entre les fenêtres longues du rez-de-chaussée et les portes, ainsi que l’indique le tracé A. L’œil rencontrait donc sur toute cette façade des points posés sur les lignes inclinées parallèles aux côtés du triangle générateur. Il en résultait naturellement des rapports, une suite de déductions harmoniques qui constituent un véritable système de proportions. Ajoutons que dans cette façade, comme dans toute l’architecture du moyen âge, l’échelle humaine est le point de départ. Les contre-forts ont 3 pieds de largeur ; le socle est profilé à 4 pieds au-dessus du sol ; les portes ont une toise de largeur, etc.

Si l’on prend la peine d’appliquer cette méthode de l’emploi des triangles, comme moyen de mettre les édifices en proportion, à tous les monuments du moyen âge ayant quelque valeur, on trouvera toujours qu’on a procédé par des tracés logiques, établissant des rapports harmonieux par des sections de lignes parallèles aux côtés de ces triangles, et marquant, pour l’œil, des points de repère qui rappellent ces lignes inclinées soit à 45º, soit à 60º, soit à 52º.

Si, au lieu de suivre sans examen, sans analyse, des traditions dont nous ne cherchons même plus à découvrir les principes, nous prenions