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breuses et de si évidentes, qu’il serait, par exemple, impossible de déterminer avec précision la mesure réciproque de la branche de tel arbre avec l’arbre lui même. » L’auteur du Dictionnaire confond ainsi les dimensions avec les proportions ; et s’il eût consulté un botaniste, celui-ci lui aurait démontré facilement qu’il existe au contraire, dans tous les végétaux, des rapports de proportions établis d’après une loi constante entre le tout et les parties. M. Quatremère de Quincy méconnaît encore la loi véritable des proportions en architecture, lorsqu’il dit : « C’est qu’un vrai système de proportions repose, non pas seulement sur des mesures de rapports générales, comme seraient ceux, par exemple, de la hauteur du corps avec sa grosseur, de la longueur de la main avec celle du bras, mais sur une liaison réciproque et immuable des parties principales, des parties subordonnées et des moindres parties entre elles. Or, cette liaison est telle que chacune, consultée en particulier, soit propre à enseigner, par sa seule mesure, quelle est la mesure, non-seulement de chacune des autres parties, mais encore du tout, et que ce tout puisse réciproquement, par sa mesure, faire connaître quelle est celle de chaque partie. » Si nous comprenons bien ce passage, il résulterait de l’application d’un système de proportions en architecture, qu’il suffirait d’admettre une sorte de canon, de module, pour mettre sûrement un monument en proportion, et qu’alors les proportions se réduiraient à une formule invariable, d’une application banale. « Voilà, ajoute encore M. Quatremère de Quincy, ce qui n’existe point et ne saurait se montrer dans l’art de bâtir des Égyptiens, ni dans celui des gothiques ; plus inutilement, encore le chercherait-on dans quelque autre architecture. Et voilà quelle est la prérogative incontestable du système de l’architecture grecque. » Il faut convenir que ce serait bien malheureux pour l’art grec s’il en était ainsi, et que si cet art se réduisait, lorsqu’il s’agit de proportions, à l’application rigoureuse d’un canon, le mérite des artistes grecs se bornerait à bien peu de choses, et les lois des proportions à une formule.

Les proportions en architecture dérivent de lois plus étendues, plus délicates et qui s’exercent sur un champ bien autrement libre. Que les architectes grecs aient admis un système de proportions, une échelle harmonique, cela n’est pas contesté ni contestable ; mais de ce que les Grecs ont établi un système harmonique qui leur appartient, il ne s’en suit pas que les Égyptiens et les gothiques n’en aient pas aussi adopté un chacun de leur côté. Autant vaudrait dire que les Grecs, ayant possédé un système harmonique musical, on ne saurait trouver dans les opéras de Rossini et dans les symphonies de Beethowen que désordre et confusion, parce que ces auteurs ont procédé tout autrement que les Grecs. Quoi qu’en ait dit M. Quatremère de Quincy, les proportions en architecture ne sont pas un canon immuable, mais une échelle harmonique, une corrélation de rapports variables, suivant le mode admis. Les Grecs eux-mêmes n’ont pas procédé comme le suppose l’auteur du Dictionnaire,