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dans les ébrasements sont placés des apôtres. Il est à croire que cette porte passa, au moment où elle fut bâtie, pour un chef-d’œuvre, car on la retrouve exactement copiée, sauf quelques détails, à la base du pignon méridional de la cathédrale de Meaux, mais par des mains moins habiles.

Il nous faut citer encore, parmi les portes du milieu du XIIIe siècle, remarquables par leur exécution et leur composition, celles de la sainte Chapelle de Paris, celle méridionale du transsept de l’église abbatiale de Saint-Denis, découverte depuis peu, et qui fut malheureusement mutilée pendant le dernier siècle pour construire un couloir entre l’église et la maison des religieux. Cette porte est, comme sculpture, une œuvre incomparable, et jamais la pierre ne fut traitée avec plus d’habileté.

La fin du XIIIe siècle et le XIVe siècle nous fournissent des exemples de portes bien composées et d’une exécution excellente ; mais, cependant, ces ouvrages sont tous empreints d’une maigreur de style qui fait regretter les conceptions incomparables du commencement du XIIIe siècle. Les détails d’ornements ne sont plus à l’échelle, les figures sont petites et les sujets confus. Les formes géométriques l’emportent sur la statuaire, l’enveloppent et la réduisent à un rôle infime. Les profils se multiplient, et à force de rechercher la variété, les artistes tombent dans la monotonie. Cependant nous serions injustes si nous ne constations les qualités qui distinguent quelques-unes de ces compositions. Bien des fois, dans cet ouvrage, nous avons l’occasion de citer l’église de Saint-Urbain de Troyes, monument des dernières années du XIIIe siècle, et dont la structure comme les détails ont une grande valeur. Cette église possède une porte centrale à l’occident, dont la composition est originale et gracieuse. La porte principale de l’église de Saint-Urbain s’ouvrait sous un porche qui ne fut pas achevé. Elle est dépourvue de voussures, le formeret de la voûte du porche lui en tenant lieu. Sur le trumeau central (voyez figure 69), s’élevait, croyons-nous, la statue de saint Urbain, pape[1]. Dans une riche colonnade surmontée de dais, à droite et à gauche, sous le porche, ne formant pas ébrasements, devaient être posées diverses statues, comme sous le porche de l’église Saint-Nicaise de Reims. Deux de ces statues, près des pieds-droits, se détachaient plus particulièrement des groupes posés sous la colonnade, et portaient sur deux piédestaux saillants (voyez le plan A). Le linteau, très-chargé d’ornements feuillus

  1. Cette statue n’a pas été posée, l’église n’ayant pu être achevée. Le pape Urbain IV, qui était de Troyes et avait fait les fonds nécessaires à la construction de l’église, étant mort en 1264, les travaux durent être suspendus, faute de ressources suffisantes, vers les dernières années du XIIIe siècle. Il y a tout lieu de croire que la statue du trumeau devait représenter saint Urbain. Sur beaucoup d’autres portes, à dater du milieu du XIIIe siècle, on voit un personnage saint et non le Christ, bien que le linteau et le tympan représentent le jugement dernier. C’est ainsi qu’à la belle porte méridionale de l’église abbatiale de Saint-Denis en France, que nous avons citée plus haut, on voyait la statue du saint évêque de Paris sur le trumeau, tandis que le linteau représentait le jugement dernier.