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sont ornés de délicates sculptures qui ne détruisent pas la masse du profil, et les quatre chapiteaux sont finement travaillés. Le tracé de cette porte a été obtenu au moyen de deux triangles équilatéraux, ainsi que l’indique le géométral A. Le triangle équilatéral inférieur est inscrit entre les trois points a, b, c ; le triangle équilatéral supérieur, entre le départ intérieur des boudins de la seconde archivolte et son sommet.

L’ogive est tracée, les centres étant très-relevés et posés sur les points divisant le diamètre de la première archivolte en trois parties égales. Cette disposition a donné une proportion très-heureuse et des courbes complétement satisfaisantes. Il y a évidemment là des combinaisons étudiées, cherchées. On observera encore que comme construction, cette porte est sagement conçue ; le linteau et les tympans étant laissés indépendants des archivoltes et soutenus seulement par les saillies des deux corbeaux des pieds-droits. L’un de ces corbeaux, celui de droite, est décoré d’un ornement feuillu, celui de gauche est simplement mouluré.

Il est bon de faire ressortir par plusieurs exemples le caractère propre à quelques-unes de ces écoles dont nous parlions tout à l’heure. Les portes étant, dans les édifices religieux et civils du moyen âge, la partie traitée avec une attention toute spéciale, sont particulièrement empreintes du style admis par chacune de ces écoles. Si nous nous transportons en Picardie, province dans laquelle les monuments de l’époque romane sont devenus rares à cause de la qualité inférieure des matériaux, nous trouverons encore cependant quelques portes du commencement du XIIe siècle qui sont élevées sur un modèle très-différent de ceux de l’Île-de-France, de la Normandie et des provinces du Centre ou de l’Ouest.

Voici (fig. 54) l’ensemble et les détails d’une porte s’ouvrant latéralement sur la nef de l’église de Namps-au-Val, dans les environs d’Amiens. Elle se rapproche du style romano-grec des monuments des environs d’Antioche, et il serait bien étrange que l’architecte qui a bâti cette porte n’eût pas vu, ou tout au moins reçu des tracés de ces édifices du Ve siècle. Les profils, les ornements du tympan, les terminaisons en volute de l’archivolte extérieure, sont des réminiscences de l’architecture romano-grecque de Syrie que les premiers croisés avaient trouvée sur leur passage. Cette baie est richement entourée de profils à l’intérieur. Les profils de l’archivolte et du linteau, que nous donnons en A, à l’échelle de 0m,10 pour mètre, sont très-beaux, et n’ont plus rien de la grossièreté des moulures romanes copiées sur les édifices gallo-romains. Mais cette porte ne ressemble en aucune façon, ni par ses proportions, ni par son style, à celle de l’église de Saint-Étienne de Nevers, qui date à peu près de la même époque[1].

  1. M. Massenot, architecte à Amiens, a relevé pour nous cette porte avec le plus grand soin. Les fenêtres romanes de cette église sont empreintes du même caractère plein cintre, et ornées de cette volute terminale à la base des archivoltes si fréquente dans les monuments romano-grecs recueillis par M. le comte de Vogué et par M. Duthoit, en Syrie.