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avons donnée (fig. 51), est certainement une des premières constructions de ce genre et l’une des plus remarquables par l’ordonnance double des pieds-droits et du trumeau, qui a permis de diminuer la portée des linteaux en laissant le plus large passage possible à la foule. En allant chercher les exemples d’architecture byzantine qui ont si puissamment influé au XIIe siècle sur notre art national, nous ne trouvons pas un exemple de portes avec trumeaux et rangées d’arcs de décharge. L’influence de l’art byzantin se fait seulement sentir dans le système d’un arc soulageant un linteau, dans les profils et quelques ornements. On ne saurait donc méconnaître que les portes de Vézelay, d’Autun, de Moissac, appartiennent à l’art français, sinon par tous les détails, au moins par la disposition générale. Une fois admise, cette disposition dut paraître bonne, car elle ne cessa d’être adoptée jusqu’à la fin du XVe siècle. Pendant la seconde période du moyen âge, on ne trouve que bien peu de portes principales qui n’aient leur trumeau central servant de battement aux vantaux et offrant ainsi à la foule, comme les portes de villes de l’antiquité, deux issues, l’une pour les arrivants, l’autre pour les sortants. Ces trumeaux furent souvent enlevés, il est vrai, pendant le dernier siècle, pour donner passage à ces dais de menuiserie recouverts d’étoffe, qui servent lors des processions ; mais ces actes de vandalisme furent heureusement assez rarement commis.

Le principe admis, les architectes en surent tirer promptement tout le parti possible. Les arcs de décharge nécessaires pour soulager le linteau furent décorés de moulures, d’ornements, et bientôt de figures qui participaient à la scène représentée sur le tympan. Comme il s’agissait de percer ces portes sous des pignons très-élevés et lourds, on augmenta le nombre des arcs à mesure que les monuments devenaient plus grands. De là ces voussures à quatre, cinq, six et huit rangs de claveaux que l’on voit se courber au-dessus des tympans de nos cathédrales. Les portes formaient alors de profonds ébrasements très-favorables à l’écoulement de la foule, car on remarquera que ces arcs de décharge, ces voussures, se superposent en encorbellement, et que les pieds-droits qui les portent s’élargissent d’autant de l’intérieur à l’extérieur. Il y a encore, dans cette disposition, une innovation sur l’architecture antique de la Grèce et de Rome.

C’est aussi à Vézelay où nous voyons adopter la statuaire dans les voussures. Sur la porte principale de cette église, la tentative est encore timide. Le premier rang de claveaux décoré de sujets fait corps, pour ainsi dire, avec le tympan. Mais déjà à Avallon, l’église Saint-Lazare, qui date du milieu du XIIe siècle, présente des voussures dont chaque claveau est décoré d’une figure sculptée. Dès cette époque, ce système d’ornementation est admis, comme on peut le reconnaître en examinant les portes de l’église abbatiale de Saint-Denis, celles occidentales de la cathédrale de Chartres, et enfin la porte Saint-Marcel de la cathédrale de Paris, dont les fragments furent soigneusement réemployés au commen-