Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 7.djvu/390

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[porte]
— 387 —

simple et ne paraissent avoir été décorées que par des moulures, des tympans imbriqués ou couverts de peinture. Nous aurons l’occasion de parler de ces portes du XIe siècle, remarquables plutôt par leur structure que par leur ornementation. Quand il s’agit d’architecture religieuse, il faut toujours recourir à l’ordre de Cluny, si l’on veut trouver les éléments d’un art complet, formé, affranchi des tâtonnements, étranger aux imitations grossières de l’architecture antique romaine.

La porte principale de la grande église abbatiale de Cluny, dont il ne reste que des gravures, ne datait guère que du milieu du XIIe siècle, tandis que celle de l’église abbatiale de Vézelay fut élevée dès les premières années de ce siècle. Comme composition, c’est certainement une des œuvres les plus remarquables et des plus étranges du moyen âge, au moment où les artistes abandonnent les traditions antiques gallo-romaines, mêlées d’influences byzantines, pour chercher de nouveaux éléments. Nous croyons donc devoir présenter cette œuvre en première ligne, car elle a servi de type, évidemment, à un assez grand nombre de compositions du XIIe siècle, en Bourgogne, dans la haute Champagne et une partie du Lyonnais. La figure 51 donne l’ensemble de cette porte aujourd’hui placée au fond d’un porche profond et fermé[1], mais originairement ouvert sous un portique étroit et à claire-voie. Elle se compose, ainsi que l’indique le plan A, de deux baies jumelles séparées par un trumeau et fermées par deux vantaux roulant sur des gonds scellés dans les feuillures B. Les deux baies, larges dans leur partie inférieure, afin de laisser le plus d’ouverture possible à la foule, se rétrécissent par une ordonnance d’encorbellement portant sur les deux pieds-droits et sur le trumeau central. Ces encorbellements sont décorés de six figures d’apôtres, demi bas-relief, de 1m,50 de hauteur environ. Sur le pilastre saillant du trumeau est placée une statue de saint Jean Précurseur, tenant entre ses mains un large nimbe au milieu duquel était sculpté un agneau[2]. Deux linteaux portent sur les pieds-droits et sur le trumeau, et les figures qui décorent ces deux blocs de pierre ont exercé, depuis plusieurs années, la sagacité des archéologues. En effet, les sujets qu’elles représentent sont difficiles à expliquer. Sur le linteau de gauche, on voit une longue suite de figures marchant toutes vers le trumeau ; les unes montrent des archers (chasseurs), des personnages parmi lesquels l’un porte un poisson, un autre un sceau de bois rempli de fruits, plusieurs conduisent un bœuf. Adossé au trumeau et semblant recevoir la série des arrivants, est un homme tenant une sorte de hallebarde. Sur le linteau de droite, tout contre le trumeau, sont deux figures plus grandes que celles décorant ce linteau : l’une tient les clefs, et est évidemment saint Pierre ; l’autre est une femme. Ces deux personnages se tiennent étroitement unis. À la suite de ces deux personnages viennent des guerriers complétement armés, et qui paraissent

  1. Voyez Porche, fig. 4.
  2. Cet agneau a été gratté à la fin du dernier siècle.