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étaient abandonnées peu à peu par les défenseurs, qui trouvaient, par les chemins des courtines voisines, un moyen de quitter facilement la partie, sous le prétexte d’étendre le champ de la défense. Enfermée dans une tour isolée servant de porte, la garnison n’avait d’autre ressource que de lutter jusqu’à la dernière extrémité. La disposition qui semble avoir été systématiquement adoptée par le connétable Olivier de Clisson est, d’ailleurs, conforme au caractère énergique jusqu’à la férocité de cet homme de guerre[1]. C’est ainsi que beaucoup des ouvrages militaires du moyen âge prennent une physionomie individuelle, et qu’il est bien difficile, par quelques exemples, de donner un aperçu de toutes les ressources trouvées par les constructeurs. Aussi ne prétendons-nous ici que présenter quelques-unes des dispositions les plus généralement admises ou les plus remarquables. Il n’est pas douteux, d’ailleurs, que dans les constructions militaires du moyen âge, les idées personnelles des seigneurs qui les faisaient élever n’eussent une influence particulière considérable sur les dispositions adoptées, et que ces seigneurs, en bien des circonstances, fournissent eux-mêmes les plans mis à exécution, tant est grande la variété de ces plans. Il est bon d’observer encore que si, pendant le moyen âge, les constructions des églises et des monastères sont souvent négligées ; que s’il est évident, dans ces constructions, que la surveillance a fait défaut, on ne saurait faire le même reproche aux travaux militaires. Ceux-ci, bien que très-simples, ou élevés à l’aide de moyens bornés parfois, sont toujours faits avec un soin extrême, indiquant la surveillance la plus assidue, la direction du maître. C’est grâce à cette bonne exécution que nous avons conservé en France un aussi grand nombre de ces ouvrages, malgré les destructions entreprises d’abord par la monarchie, à dater du XVIe siècle, pendant la révolution du dernier siècle, et enfin par les communes, depuis cette époque.

Avant de passer à l’examen des poternes, nous devons dire quelques mots des portes de barbacanes, c’est-à-dire appartenant à de grands ouvrages avancés, portes qui présentent des dispositions particulières.

Ce ne fut guère qu’au XIIIe siècle que l’on se mit à élever des barbacanes en maçonnerie. Jusqu’alors ces ouvrages avancés, destinés à faciliter les sorties de troupes nombreuses, ou à pratiquer des retraites, étaient généralement élevés en bois, et ne consistaient qu’en des terrassements avec fossés et palissades. Mais les assiégeants, mettant le feu à ces ouvrages, rendaient leur défense impossible ; on prit le parti, en dehors des places importantes, de construire des barbacanes en maçonnerie, et de les appuyer par des tours, au besoin. Toutefois on cherchait toujours à ouvrir ces défenses du côté opposé aux remparts formant le corps de la place, afin d’empêcher les assiégeants qui s’y seraient logés de pouvoir s’y maintenir. Les portes des barbacanes sont conçues suivant ces principes, et les défenses qui les composent sont ouvertes à la gorge.

  1. Olivier de Clisson était surnommé par les contemporains, le Boucher.