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ouvertes sur la tribune étaient des fenêtres sans vitraux comme toutes les autres fenêtres de l’église ; celle du milieu se terminait en cul de four, et peut-être recevait-elle une statue. La porte principale C de ce porche est surmontée d’un grand bas-relief représentant : le Christ entouré des vingt-quatre vieillards et des élus dans le tympan, la Madeleine parfumant les pieds de Jésus, et la résurrection de Lazare dans le linteau. Les chapiteaux intérieurs sont très-richement sculptés et d’une finesse d’exécution remarquable. Autrefois les grandes voûtes ainsi que celles des tribunes étaient entièrement peintes. Nous présentons (fig. 4) une vue perspective de l’intérieur de ce porche, prise de la galerie qui traverse la façade. On observera que la voûte sur la tribune possède des arcs ogives. C’est peut-être le premier exemple qu’il y ait en France de ce genre de structure, les autres voûtes du narthex étant d’arêtes très-surhaussées (voy. Ogive, fig. 3, 4 et 5). L’ensemble de cet intérieur est d’une proportion admirable et les travées étudiées par un maître consommé (voy. Travée). Il ne paraît pas qu’on ait jamais enseveli personne sous ce porche, et les fouilles que nous avons été à même d’y pratiquer n’ont laissé voir nulle trace de sépulture.

Le vestibule, narthex ou porche fermé de l’église abbatiale mère de Cluny était plus vaste encore que celui de Vézelay, mais ne possédait ni tribune ni galeries voûtées supérieures. C’était une grande salle avec bas côtés à laquelle on arrivait par deux degrés de 13 mètres de largeur. Deux tours s’élevaient en avant des cinq travées que contenait le narthex, et laissaient entre elles un porche ouvert. Le porche fermé de Cluny avait 35 mètres de longueur sur 27 mètres de largeur dans œuvre ; des piliers cannelés, suivant la méthode de la haute Bourgogne, du Lyonnais et de la haute Marne, portaient les voûtes des collatéraux. Au-dessus s’élevait un triforium également à pilastres, puis les hautes voûtes en arcs ogives, avec fenêtres plein cintre dans les tympans. Les clefs de la haute voûte étaient à 33 mètres au-dessus du pavé. Ce fut le vingtième abbé de Cluny, Roland Ier, qui éleva en 1220[1] ce magnifique narthex dont notre vue perspective (fig. 5) ne peut donner qu’une faible idée. Tous les arcs de cette construction sont en tiers-point, seules les fenêtres sont fermées par des plein cintres. Au fond, on voyait apparaître l’ancienne façade de l’église, avec sa porte principale et sa petite galerie aveugle supérieure, au milieu de laquelle étaient percées les baies qui éclairaient la chapelle de Saint-Michel, prise aux dépens de l’épaisseur du mur et portée sur un cul-de-lampe du côté de la nef. Quatre figures d’apôtres en bas-relief décoraient le tympan sous le formeret de la grande voûte du porche.

Pourquoi ce vaste porche ne fut-il élevé qu’en 1220 ? Doit-on voir ici l’exécution d’un nouveau programme, ou bien un ajournement d’un programme primitif ? Près d’un siècle auparavant, l’église abbatiale de

  1. Voyez Mabillou, Annales ordin. S. Benedicti, t. V, p. 252.