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d’une clôture et d’un fossé, et pouvait servir de défense avancée. On n’arrivait donc devant l’entrée du pont d’Orléans, comme devant l’entrée du pont de la Calendre à Cahors, que latéralement.

On conçoit quelles difficultés le régime féodal devait apporter dans la construction des ponts. Ce n’était ni la science pratique, ni la hardiesse, ni même les ressources qui manquaient lorsqu’il était question d’établir un pont sur un large cours d’eau, mais bien plutôt le bon vouloir d’autorités intéressées souvent à rendre les communications d’un pays à l’autre difficiles. On reconnaît, par les exemples déjà donnés, que si les ponts réunissaient deux rives d’un fleuve, on cherchait à accumuler sur leurs parcours le plus d’obstacles possible. On possède sur la construction du pont de Montauban des documents complets et étendus qui démontrent assez quels étaient les obstacles de toute nature opposés à ces sortes d’entreprises. Dès 1144, le comte de Toulouse, Alphonse Jourdain, en donnant aux bourgeois de Montauriol l’autorisation de fonder la ville de Montauban sur les bords du Tarn, insère dans la charte de fondation cette clause : « Les habitants dudit lieu construiront un pont sur la rivière du Tarn, et, quand le pont sera bâti, le seigneur comte s’entendra avec six prudhommes, des meilleurs conseillers, habitants dudit lieu, sur les droits qu’ils devront y établir, afin que ledit pont puisse être entretenu et réparé[1] » Mais la ville naissante était trop pauvre pour pouvoir mettre à exécution une pareille entreprise. Puis vinrent les guerres des Albigeois qui réduisirent ce pays à la plus affreuse détresse. Ce n’est qu’en 1264 que les consuls de Montauban prennent des mesures financières propres à assurer la construction du pont sur le Tarn. En 1291, la ville achète l’île des Castillons ou de la Pissotte, pour y asseoir plusieurs des piles de l’édifice. C’était à l’un des rois qui ont le plus fait pour établir l’unité du pouvoir en France, qu’il était réservé de commencer définitivement cette entreprise[2]. Philippe le Bel, étant venu à Toulouse pour terminer les différends qui existaient entre le comte de Foix et les comtes d’Armagnac et de Comminges, chargea de la construction du pont de Montauban deux maîtres, Étienne de Ferrières, châtelain royal de la ville, et Mathieu de Verdun, bourgeois, en soumettant tous les étrangers passant à Montauban à un péage dont le produit devait être exclusivement réservé au payement des frais de construction, et en accordant aux consuls, aux mêmes fins, une subvention (1304). Le roi toutefois imposa comme condition de bâtir sur le pont trois bonnes et fortes tours « dont il se réservait la propriété et la garde ». Deux de ces tours devaient s’élever à chaque extrémité, la troisième au milieu[3].

  1. Art. 24 de la charte de fondation de Montauban, Archives de Montauban, livre Rouge, fol. verso 105.
  2. Voyez l’excellente notice sur le pont de Montauban, donnée par M. Devals aîné, dans les Annales archéologiques, t. XVI, p. 39.
  3. Archives de Montauban, liasse D, no 16, liv. des Serments, folio 102.