Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 7.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[pignon]
— 133 —

sur deux points. Une force comme le vent, ou une poussée, trouve donc une résistance plus solidement appuyée sur sa base, opposée à son action. Tout le système de la construction des grands pignons de l’époque savante du moyen âge est établi sur cette observation très-simple de la répartition des pesanteurs, non pas conformément à la gradation donnée par la configuration du pignon, mais contrairement à cette gradation, autant que faire se peut. La décoration de ces pignons dérive du système de construction adopté. Lorsque le bâtiment ne contient qu’un vaisseau, les points d’appui sont reportés aux deux extrémités ; le triangle du pignon est terminé par deux épaulements : mais lorsque ce bâtiment est divisé dans sa longueur par un mur ou une épine de piliers, le pignon accuse la construction intérieure, et son milieu est maintenu par un contre-fort qui s’élève jusqu’au sommet du triangle. Si c’est une cheminée qui est adossée à l’intérieur dans l’axe de la salle, son tuyau, apparent à l’extérieur, s’élève jusqu’à la pointe du triangle dans les meilleures conditions de tirage, et sert d’épaulement à la construction.

Ces principes dans la construction des pignons ne furent admis toutefois qu’assez tard, vers le milieu du XIIe siècle, et avant cette époque nous voyons élever des pignons qui ne sont que des murs triangulaires pleins, décorés de membres peu saillants, d’arcatures, d’imbrications, de compartiments qui ne contribuent en rien à la solidité.

L’église latine de Saint-Front, antérieure à l’église actuelle, qui date de la fin du Xe siècle, possédait à l’occident un pignon dont on voit encore quelques traces, et qui était construit d’après ces données élémentaires, apparentes déjà à l’extérieur du monument de Poitiers connu sous le nom de temple de Saint-Jean[1].

Les églises de la Basse-Œuvre à Beauvais et de Montmille présentent leurs pignons occidentaux simplement ornés de croix et de quelques imbrications[2]. Mais un des plus riches parmi ces pignons du Beauvaisis est celui qui ferme le bras de croix septentrional de l’église Saint-Étienne de Beauvais. Ce pignon, dont quelques auteurs font remonter la construction au commencement du XIe siècle, ne peut être antérieur au commencement du XIIe. Il couronne une rose entourée d’une suite de figures représentant une roue de fortunes[3]. La structure du parement extérieur du pignon est entièrement composée de très-petites pierres taillées, formant, par la manière dont elles sont posées, un treillis de bâtons, entre les intervalles desquels sont incrustées des rosaces sculptées sur le parement d’un moellon carré (fig. 3). Ce treillis est coupé horizontalement par une ligne de bâtons rompus et par une très-petite baie

  1. Voyez, dans l’Architecture byzantine en France par M. F. de Verneilh, la description du pignon de la vieille basilique de Saint-Front, et la gravure qui s’y trouve jointe, p. 93.
  2. Voyez Les monuments de l’ancien Bauvoisis, par M. Woillez, 1849.
  3. Voyez Rose. Voyez aussi l’album de Villard de Honnecourt, pl. XLI.