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rantième abbé de Saint-Bertin, fait établir définitivement des moulins à eau, commencés sous Odland en 797. Ces moulins, dit la chronique des abbés de Saint-Bertin, étaient les premiers qui furent établis dans le pays[1]. Cet abbé Lambert (1095 à 1123) fit exécuter même des travaux hydrauliques qui paraissent avoir été assez importants, puisqu’au moyen des roues motrices des moulins abbatiaux il fit monter l’eau nécessaire au service du monastère, afin de la répandre dans les bâtiments par des aqueducs souterrains. Il n’est pas question de moulins à vent en France antérieurement au XIIe siècle. Quelques auteurs prétendent que l’invention de ces sortes de moulins fut rapportée d’Orient par les premiers croisés ; et, en effet, les moulins à vent sont nommés en Normandie, pendant le XIVe siècle, moulins turquois. Des chartes de Philippe-Auguste concèdent le droit d’établir des moulins à vent et des moulins à eau[2], et dans le roman d’Ogier de Danemarche[3], il est deux fois question de moulins à eau.

« Del brut de lui (de la fontaine) tornent troi molinel
Qui ne s’arestent ne esté ne yver[4].
.............
Quant il velt molre, par soi le va cargier,
Et le molin vait par lui afaitier[5]. »

Les Olim donnent des arrêts du parlement relatifs à l’établissement de moulins à vent. Nous citerons l’un de ces arrêts, rendu en 1275, sous Philippe III :

« Les moines de Royaumont se plaignaient de ce qu’un moulin à vent, appartenant à Pierre de Baclai, avait été récemment construit, près de Baclai, à leur préjudice et dommage, et au détriment de leurs moulins de Gonesse ; ils demandaient que ce moulin fût détruit, lorsque, disaient-ils, le seigneur Roi l’aurait dit ou commandé par jugement. Les raisons des parties adverses entendues, l’arrêt suivant fut prononcé : Le moulin, quant à ce qui concernait les moines, ne devait pas être détruit[6]. »

Au XVe siècle, le seigneur de Caumont, en passant à Rhodes et décrivant les édifices qui lui paraissent remarquables dans la ville, s’exprime ainsi :

«…Et tout au lonc d’icelle (muraille de la cité) sont assis .XVI. molis de vent, toux d’un ranc, qui nuyt et jour molent yver et esté ; et à paynes l’on les voit toux ensemble molir he toux à ung cop cesser[7]. »

Sur les tours de l’enceinte intérieure de la cité de Carcassonne, il y

  1. Voy. les abbés de Saint-Bertin, d’après les anciens monuments de ce monastère, par M. Henri De La Place, Ire partie, 1854, p. 41, 186 et 187.
  2. En 1195. Voy. Ducange, Gloss. : « Concedo monialibus antedictis… molendina ad aquam et ad ventum. »
  3. Du XIIe siècle.
  4. Vers 6 673.
  5. Vers 8 349.
  6. Les Olim. t. I, p. 62.
  7. Voyage d’Oultremer en Jérusalem, par le S. de Caumont, l’an MCCCCXVII, publ. par M. le marquis de La Grange, 1858.