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tion qui ne fut jamais atteinte depuis. Le goût dominant dans l’architecture alors se prêtait d’ailleurs aux formes qui conviennent à de la menuiserie, puisque les ouvrages de pierre avaient le défaut de rappeler les délicates combinaisons données par l’emploi du bois. Les menuisiers du XVe siècle n’employaient que des bois parfaitement purgés, secs et sains, et ils les travaillaient avec une adresse que nous avons grand’peine à atteindre aujourd’hui, lors même que nous voulons payer la main-d’œuvre. Les menuiseries de la seconde moitié du XVe siècle ne sont pas très-rares en France et, grâce à l’excellent choix et à la sécheresse des bois employés, ces menuiseries sont biens conservées, ne se sont pas déjetées ni gercées, et ne sont piquées que lorsqu’elles ont été placées dans des conditions tout à fait défavorables.

Pour terminer notre étude sur les huis, les vantaux de porte, nous donnerons ici l’un de ceux qui ferment l’entrée principale de la nef de l’église Notre-Dame de Beaune. La structure de ces vantaux (17) est simple, elle se compose de vingt panneaux embrévés entre des montants et des traverses ; un guichet, composé de quatre panneaux a, s’ouvre au milieu du vantail. Deux montants de rive, deux traverses haute et basse, trois montants intermédiaires avec quatre rangs d’entretoises forment l’ossature de ce vantail. Les montants sont renforcés de contre-forts et les entretoises de profils saillants. Ces contre-forts et les panneaux sont délicatement moulurés et sculptés dans du beau bois de chêne.

Nous donnons (18) quelques détails de cet ouvrage de menuiserie, c’est-à-dire le panneau b et partie de celui inférieur c, avec les contre-forts des montants et profils des entretoises. En A est tracée la coupe de ces détails, faite sur ef ; en B, la section horizontale d’un montant avec son contre-fort ; en C, la section à une plus grande échelle des moulures évidées dans l’épaisseur des panneaux. Cette manière d’orner les panneaux par des compartiments évidés à mi-épaisseur, représentant des meneaux de fenêtres, était fort en vogue au XVe siècle, et il fallait que ces panneaux pussent être très-facilement et rapidement sculptés, car on en trouve partout. Les ouvriers menuisiers façonnaient ces ouvrages au moyen de longs ciseaux, de gouges ou de burins, emmanchés comme l’indique le tracé G. La grande gouge g, terminée souvent par une sorte de cuiller comme les outils dont se servent les sabotiers, se manœuvrait des deux mains, le morceau de bois en œuvre étant maintenu horizontalement sur l’établi au moyen d’un valet ou d’une vis, ainsi que cela se pratique encore aujourd’hui[1].

Tous les panneaux de ces vantaux des portes de l’église de Beaune sont

  1. Nous avons souvent vu des miniatures de manuscrits du XVe siècle où ces outils sont représentés. Il existe dans les stalles de l’église de Montréal (Yonne) un bas-relief représentant un menuisier taillant un petit pinacle au moyen de l’outil figuré en l, qu’il tient de la main droite. À l’échelle, cet outil paraît avoir au moins 0m,50 de longueur. Quant au ciseau, il était d’un usage fréquent, comme de nos jours.