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[maison]
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ressemble point à celle du Breton ; celle-ci diffère essentiellement de la cabane du Morvandiau, qui ne rappelle en rien celle du Franc-Comtois, de l’Auvergnat ou du Bas-Languedocien.

Il nous est arrivé de nous arrêter dans certains villages de France, où chaque maison, faite sur un patron unique, conservait un caractère d’âpreté primitive fort éloigné de notre civilisation moderne, où tout tend à perdre sa physionomie propre. On ne s’attend pas, pensons-nous, à ce que nous donnions ici des maisons de paysans classées par époques certaines, comme nous avons pu le faire pour les habitations urbaines, La transmission de quelques types admis, depuis des siècles, interdit d’ailleurs ce classement. Puisque nous sommes amenés à croire que certaines provinces n’ont pas cessé d’élever les mêmes maisons rurales depuis l’époque de l’invasion des barbares, il est évident que nous pourrions difficilement distinguer une habitation du Xe siècle d’une autre du XIVe. Nous nous contenterons donc de fournir quelques-uns de ces types bien caractérisés, sans leur assigner une époque précise, et cela d’autant moins, que ces constructions, faites en général à l’aide des plus faibles ressources, n’ont pu résister à l’action du temps et n’ont conservé ce caractère primitif que par la reproduction des mêmes procédés, l’emploi des mêmes matériaux et la conformité des habitudes. Toutefois, les maisons rurales les plus anciennes, ou du moins celles qui paraissent avoir subi le moins d’altérations, appartiennent aux contrées du Centre et de l’Est. Dans le Morvan, la vieille maison du paysan ne présente à l’extérieur qu’une masse de pierres amoncelées. Des murs élevés en gros blocs de granit percés de petites ouvertures, un rez-de-chaussée très-bas, servant de cellier, de dépôt, de poulailler ou de porcherie. Porte élevée d’un ou deux mètres au-dessus du sol avec escalier et palier engagé dans la muraille ; plafond formé de grosses poutres avec solivage. Grenier au-dessus protégé par une lourde charpente couverte en plaquettes de pierres appelées laves dans le pays (40). Chaque maison ne contient qu’une pièce avec sa cheminée ; si l’on veut deux pièces, ce sont deux maisons qui se joignent par les pignons. Dans cette habitation, aucune décoration, rien qui fasse pressentir un goût pour l’art même le plus grossier. Les bois sont à peine équarris, le plancher est couvert d’une terre battue enduite d’une couche formée de sable granitique et d’argile[1]. Si on se rapproche du Nivernais et de la haute Bourgogne, souvent au contraire, dans les maisons de paysans, trouve-t-on les traces d’un art ; les intérieurs de porte sont taillés avec soin, les jambages bien dressés, les intérieurs sont enduits et quelquefois recouverts jusqu’à la hauteur d’appui d’un lambris. Les bois sont équarris, chanfreinés même ;

  1. Dans ces maisons, d’un aspect si pauvre, il n’est pas rare de trouver des familles de paysans relativement riches et possédant des biens assez considérables. Chez ces populations, rien n’est sacrifié au bien-être. Leur unique préoccupation est de posséder la terre et d’amasser des écus pour agrandir leur petit domaine.