Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6.djvu/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[maison]
— 248 —

de façades et de surfaces imposées, puisque ces villes ont été bâties d’un seul jet et ont atteint un degré de prospérité relative très-élevé peu après leur construction.

On reconnaît ainsi que ces idées, que nous croyions appartenir à notre époque, de cités ouvrières, de centres de populations établies sous une apparence d’égalité absolue, ne sont pas nouvelles, et que le moyen âge a même atteint dans ce sens un point pratique dont nous sommes encore fort éloignés. Mais si modestes que soient ces habitations, elles sont du moins en rapport avec les besoins et les habitudes de l’époque. Elles se composent toutes d’un rez-de-chaussée, d’un premier et quelquefois d’un second étage ; leurs façades sont variées d’aspect, en raison des goûts ou de l’état de fortune de chacun ; d’ailleurs bien bâties et solides. La place de la ville seule, sur un côté de laquelle s’élève la halle, est entourée de portiques très-larges, bas et aboutissant aux rues donnant entrée sur cette place ; car les ingénieurs qui ont tracé les plans de ces bastides se sont bien gardés de percer les rues dans les milieux des côtés du carré, ce qui eût été peut-être conforme aux règles académiques, mais point du tout à celles de la raison. Une place est généralement, dans une ville, une aire plus ou moins vaste où l’on se réunit ; si deux rues coupent le centre à angles droits, il est clair que les gens qui passent gênent beaucoup ceux qui demeurent. Établir la circulation sur les côtés d’une place et laisser le milieu en dehors de cette circulation a toujours été la préoccupation des planteurs de villes du moyen âge. Des pans coupés, ménagés aux retours d’équerre des maisons d’angle, permettent aux chariots d’entrer dans la place facilement les jours de marché. Nous présentons (18) le plan d’un quart de la place de la bastide de Montpazier[1], et (19) la vue perspective d’une des entrées de cette place prise du point A du plan. On voit dans cette figure comment les angles des maisons sont portés en encorbellement au-dessus des larges pans coupés qui donnent entrée diagonalement sur la place.

Les maisons de ces bastides de la fin du XIIIe siècle sont construites en pierre, en brique ou moellon ; la structure de bois est exclue des façades. Du reste, les maisons de bois sont très-rares dans les provinces méridionales, tandis que dès la fin du XIIIe siècle nous voyons qu’elles deviennent de plus en plus fréquentes dans les provinces du Nord. D’abord, ce ne sont que les étages supérieurs qui sont construits en pans de bois, puis bientôt le rez-de-chaussée seul se maintient en pierre ; puis enfin, pendant le XVe siècle et le commencement du XVIe, des façades tout entières sont non-seulement élevées en pans de bois, mais souvent même entièrement boisées comme de grands meubles, sans qu’il y ait trace apparente de maçonnerie. Outre le goût que les populations du Nord ont toujours

  1. À Montpazier, les propriétés possèdent toutes leurs murs latéraux. Il n’y a pas de murs mitoyens. Cette disposition est même conservée autour de la place, là où existe un portique : c’est une exception à la règle.