Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[mâchicoulis]
— 208 —

obtus, et le projectile viendra tomber obliquement près du pied du talus. En supposant encore que le rempart est peu élevé au-dessus de la contrescarpe du fossé, mais que celui-ci est profond (C), le talus sera disposé de telle façon que le projectile le rasera dans toute la hauteur à une faible distance. Si le rempart est construit sur un escarpement de rocher (D), le talus sera tracé de manière que le projectile viendra tomber au pied de ce rocher afin d’en écarter les mineurs. Ceci fait comprendre combien il était important d’avoir des projectiles sphériques et d’un poids connu pour défendre le pied des remparts au moyen des mâchicoulis, suivant la nature de l’attaque, et comment la section des talus devait être tracée en raison de la nature des lieux. Or, si nous savons aujourd’hui que les officiers du génie calculent avec précision les angles des bastions et la coupe des remparts pour obtenir certains effets, nous pouvons être assurés qu’au XIVe siècle les architectes militaires n’apportaient pas moins de soin et de calcul dans le tracé de leurs constructions, ce qui ne les empêchait pas de donner aux corbeaux de leurs mâchicoulis, aux chaperons de leurs créneaux et à tous les détails de ces constructions, des proportions heureuses et des profils d’un beau caractère.

Cependant nous avons vu, à l’article Hourd, que les chemins de ronde en charpente avec mâchicoulis étaient couverts. Il fallait, en effet, abriter les défenseurs placés sur ces chemins de ronde, derrière les crénelages, contre les projectiles lancés à toute volée par les assaillants ; on se mit donc à couvrir aussi les mâchicoulis de pierre, comme on avait couvert les hourds, par des combles en charpente, mais à demeure cette fois. Les mâchicoulis de ce genre les plus remarquables qui existent en France sont certainement ceux du château de Pierrefonds ; ils datent de 1400. Nous y reviendrons tout à l’heure.

Il est nécessaire, avant de nous occuper de ces sortes de mâchicoulis, de parler de ceux des remparts d’Avignon, élevés vers le milieu du XIVe siècle, et qui présentent certaines particularités dignes d’attention, comme, par exemple, les retours d’équerre sur les tours, les consoles d’angle, les mâchicoulis ressautants, etc. Les mâchicoulis des remparts d’Avignon n’ayant jamais été destinés à être couverts et étant surmontés d’un simple crénelage, afin d’éviter la bascule les constructeurs ont donné aux encorbellements un assez grand nombre d’assises de manière à charger la queue de chaque corbeau. Ainsi (11), soit en A l’angle d’une tour, il y aura des corbeaux diagonaux en B, lesquels, suivant la coupe c d, donneront le profil D possédant six assises de corbeaux ; les deux encorbellements C seront légèrement biais pour obtenir des arcs BC égaux aux arcs CF, les encorbellements C et F n’auront que cinq assises (voir le profil E fait sur e f). En élévation, cet angle présentera le tracé G, qui explique pourquoi l’encorbellement d’angle B, étant plus long que les autres, prend une assise de plus en contre-bas. Les arcs des mâchicoulis voisins de l’angle pénètrent cet encorbellement diagonal. En g est figuré, en perspective, l’assise g’ ; en h, l’assise h′ ;