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[jubé]
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églises abbatiales d’Occident, ces jubés servaient ainsi de clôture antérieure au chœur des religieux, clôture percée quelquefois de trois portes, mais le plus souvent d’une seule. Deux escaliers y montaient : l’un à droite en entrant, du côté de l’Épître, l’autre à gauche du côté de l’Évangile ; ce qui n’empêchait pas la galerie supérieure d’être d’une seule venue d’un côté à l’autre de la nef, comme une tribune. Il n’existe plus en France, malheureusement, un seul jubé d’une époque ancienne, et cependant toutes nos églises abbatiales, toutes nos cathédrales en possédaient, mais aussi beaucoup d’églises paroissiales. Il faut observer toutefois que les grandes cathédrales bâties vers la fin du XIIe siècle et le commencement du XIIIe, comme celles de Noyon, de Paris, de Chartres, de Bourges, de Reims, d’Amiens, de Rouen, n’avaient point été primitivement disposées pour recevoir des jubés et des clôtures de chœur (voy. Chœur). Ce ne fut que vers le milieu du XIIIe siècle que les évêques ou les chapitres firent élever des jubés devant le chœur des cathédrales. Thiers cependant prétend que la cathédrale de Sens[1], de son temps, possédait un jubé fort ancien, puisqu’il lui donne une date de huit siècles (ce qui d’ailleurs n’était pas possible, la cathédrale ayant été construite à la fin du XIIe siècle). Mais sa description est intéressante, car elle nous indique que ce jubé était, suivant la tradition primitive, séparé en deux ambons. « Ils sont, dit-il[2], de pierre, séparés l’un de l’autre ; le crucifix est entre deux[3]. Ils sont soutenus par-devant de quatre colonnes de pierre, qui font trois arcades en face. Ils ont chacun leur entrée du côté du chœur, et chacun leur sortie du côté de la nef, aux deux côtés de la principale porte du chœur. La plupart des autres tribunes de cette sorte n’ont que chacune un escalier par lequel on entre et on sort. Ce qu’il y a de particulier aux tribunes de Sens, est qu’on chante l’Épître dans celle qui est à gauche en entrant au chœur, et l’Évangile dans celle qui est à droite. » Non-seulement il n’est pas possible d’accorder au jubé de la cathédrale de Sens l’âge que lui donne Thiers, mais il est fort douteux même que ce jubé fût antérieur au XIIIe siècle. Jusqu’au XIVe siècle, la cathédrale de Sens ne possédait pas de transsept, conformément aux dispositions de plusieurs grandes églises épiscopales bâties à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe ; elle se composait d’une seule nef avec collatéraux pourtournant le sanctuaire et de trois chapelles : l’une carrée à l’abside, et deux orientées latéralement à la hauteur du bas-chœur actuel[4]. On ne saurait indiquer dès lors la place

  1. Dissertations ecclés. sur les jubés des églises. Paris, 1688.
  2. Chap. III.
  3. Il est probable que cette séparation n’était pas telle qu’il fallût descendre de l’ambon de droite pour monter dans celui de gauche, puisque l’ensemble formait trois arcades, à moins toutefois d’admettre que l’arcade du milieu n’était qu’un arc portant le crucifix.
  4. Cette disposition, dont nous retrouvions des traces très-visibles en élévation, est