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règlement, Adam, clerc du roi Philippe Auguste, fit don à l’Hôtel-Dieu de deux maisons dans Paris, afin que, sur le revenu de ces maisons, le jour de son anniversaire, on fournirait aux malades « tout ce qu’il leur viendroit dans la pensée de vouloir manger. »

Pendant les XIe, XIIe et XIIIe siècles, il est fondé une quantité prodigieuse d’hospices ; presque toutes les abbayes avaient un hôpital dans leur enceinte. De plus, on fonda un grand nombre de léproseries hors les villes. « La maison de Saint-Lazare, dit Lebeuf[1], ne doit être considérée que comme une célèbre Léproserie. Autant la ville de Paris étoit fameuse, autant sa Léproserie l’étoit en son espèce. Ce fut dans le XIIe siècle que l’on commença à avoir une attention plus singulière de séparer les lépreux d’avec le reste du peuple : de là l’époque de l’origine de toutes ces maladreries du titre de Saint-Lazare, dont on voit encore des restes proche une infinité de bourgs et de villages du royaume… Dès le règne de Louis le Jeune, il y avoit entre Paris et Saint-Denis un hôpital de lépreux, qui consistoit en un assemblage de plusieurs cabanes où ils étoient renfermés. Odon de Dueil, moine de Saint-Denis, écrit qu’il fut témoin, comme, en l’an 1147, le mercredi onzième de juin, ce même roi, venant prendre l’étendard à Saint-Denis avant de partir pour la croisade, entra dans cet hôpital situé sur sa route, et prit la peine d’y rendre visite aux lépreux dans leurs cellules, accompagné seulement de deux personnes. » Cette célèbre léproserie, dès la fin du XIIe siècle, était gouvernée par des religieux de l’ordre de Saint-Augustin. Les léproseries étaient au nombre de 2 000 dans les États du roi de France, au XIIIe siècle, ainsi que le prouve une donation faite par Louis VIII, dans son testament du mois de juin 1225[2]. Nous ne chercherons pas à établir si la lèpre fut importée en France par les croisés revenus de Palestine, ou si, comme le prétendent quelques auteurs, cette maladie existait déjà, dès l’époque celtique, sur le sol occidental de l’Europe[3]. Ce qu’il est difficile de nier, c’est que cette maladie, ou une maladie certainement analogue, qui était ou que l’on croyait contagieuse, existait sur toute la surface de l’Europe au XIIe siècle, même dans les contrées qui n’avaient envoyé personne en Palestine, puisque, d’après Mathieu Pâris, on ne comptait pas moins de 19 000 léproseries en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Espagne, en Brabant, en Suisse, en Hongrie, en Pologne, en Bohême et dans les États du Danemark. Ces établissements, situés hors des villes, ainsi que nous venons de le dire, consistaient en une enceinte dans laquelle s’élevaient des cellules assez semblables à celles des chartreux, avec une chapelle commune. Les religieux qui

  1. Hist. de la ville et du dioc. de Paris, t. I, 2e partie, p. 481.
  2. « Art. 13. Donamus et legamus duobus millibus domorum leprosorum decem millia librarum, videlicet cuilibet earum centum solidos. »
  3. Voy. le curieux ouvrage de M. Labourt, Recherches sur l’origine des ladreries, maladreries et léproseries, Paris, 1854.