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E est un sommier qui reçoit l’un des arcs retombants sur un meneau central G. La clef de cet arc est pénétrée par la rose, qui est seulement prise entre les claveaux de l’archivolte C. À son tour la rose reçoit en feuillure les redents H qui ne portent point feuillure, mais des pitons à l’intérieur pour maintenir les panneaux des vitraux. N’oublions pas de mentionner que les colonnettes du meneau central aussi bien que celles des pieds-droits ne sont point reliées à la construction, mais sont posées en délit, suivant la méthode usitée pour la plupart des colonnettes, à la fin du XIIe siècle. Du côté extérieur, ces fenêtres donnent le tracé géométral (18). L’archivolte C, étant un arc de décharge, se trouve naturellement soumise aux tassements et mouvements qu’eût subi la bâtisse : or, la rose étant laissée libre, maintenue seulement par le frottement entre les reins de l’archivolte, ne risque pas d’être brisée par ces tassements ; elle peut être quelque peu déformée, comme le serait un cerceau de fer ou de bois que l’on presserait, mais ne saurait se rompre. C’est là une marque de prévoyance acquise par une longue observation des effets qui se manifestent dans d’aussi vastes constructions.

Toutes les fenêtres de la cathédrale de Reims sont construites d’après ce principe. Notre figure géométrale (18) indique en A la coupe de la partie supérieure de la fenêtre, B étant le berceau-formeret intérieur. On voit en C la façon dont sont encastrés les redents de la rose, maintenus à leur extrémité D par un cercle en fer et des clavettes E ; en G les feuillures des vitraux posés à l’intérieur. On remarquera que cette feuillure dans l’appui, dont la coupe est tracée en I, se retourne pour rejeter sur le talus extérieur H les eaux pluviales ou de buée coulant le long des vitraux. Un détail perspectif K fait saisir cette disposition double des feuillures. En L nous avons tracé une section horizontale des meneaux et pieds-droits avec la saillie du talus circulaire M ; en O la pénétration des bases des colonnettes des pieds-droits et meneaux établis sur plan droit dans ce talus (voy. Chapelle, fig. 36 et 37).

Que les fenêtres de la cathédrale de Reims soient étroites ou larges, elles ne possèdent toujours qu’un meneau central et deux vides ; il en résulte que ces vides ont, soit 1m,20 c. de largeur, soit 2m,30 c. Pour maintenir les panneaux des vitraux dans d’aussi larges baies, il fallait des armatures en fer très-fortes. On prit donc bientôt le parti de multiplier les meneaux pour les fenêtres larges, afin d’avoir toujours des vides à peu près égaux. Au lieu d’un seul meneau on en monta trois, de façon à diviser la baie en quatre parties d’égales largeurs. Ce ne fut que vers 1240 que cette modification importante eut lieu, et dès lors, chaque fois que la nature des matériaux le permit, les meneaux ne furent plus que des châssis composés de pierres en délit et engagés en feuillure sous les archivoltes. Parmi les plus belles et les premières fenêtres de ce genre il faut mentionner celles de la Sainte-Chapelle haute du Palais à Paris. On retrouve là, fig. 19, le principe qui commande la construction des fenêtres de la cathédrale de Reims, c’est-à-dire que le vide est divisé en deux