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d’eaux thermales. « Passionné pour la natation, ajoute-t-il, Charles y devint si habile, que personne ne pouvait lui être comparé. C’est pour cela qu’il fit bâtir un palais à Aix-la-Chapelle, et qu’il y demeura constamment pendant les dernières années de sa vie, jusqu’à sa mort. Il invitait à prendre le bain avec lui, non-seulement ses fils, mais encore ses amis, les grands de sa cour et quelquefois même ses soldats et ses gardes du corps, de sorte que souvent cent personnes et plus se baignaient à la fois. » Il n’est pas douteux que Charlemagne en ceci, comme en beaucoup d’autres choses, ne faisait que reprendre les habitudes des Romains de l’antiquité.

On ne trouve plus trace de ces grandes dispositions à partir du Xe siècle ; et les bains, depuis le XIIe siècle, ne sont que des étuves, c’est-à-dire des établissements analogues à ceux que nous possédons encore aujourd’hui, si ce n’est que les baignoires étaient en bois, en marbre ou en pierre, et les chambres de bains probablement moins incommodes que les nôtres. Il était assez d’usage, pendant le XIIIe siècle, de se baigner en compagnie, quelquefois même dans la même cuve.

« Puis revont entr’eus as estuves,
Et se baignent ensemble ès cuves
Qu’ils ont es chambres toutes prestes,
Les chapelès de flors es testes,
..........[1] »

Et

« Quand vendroit la froide saisons,
.......... »


tout étant bien clos, on allumerait bon feu ;

« On feroient estuves chaudes,
En quoi lor baleries baudes
Tuit nuz porroient demener,
Quant l’air verroient forcener,
Et geter pierres et tempestes,
Qui tuassent as champs les bestes,
Et grands flueves prendre et glacier[2]. »

Il paraîtrait qu’alors (au XIIIe siècle) il y avait des salles de bains dans les châteaux, mais qu’il existait des étuves publiques très-fréquentées dans les villes. En effet, beaucoup de villes anciennes ont conservé leur rue des Étuves. Dans l’excellente Histoire de Provins, de M. Bourquelot[3], nous lisons ce passage : « Quant aux étuves, la première mention que nous en trouvons existe dans un titre de mai 1236, d’après lequel Raoul de Brezelle, chevalier, donne aux pauvres de la Maison-Dieu de Provins XII den. de cens qu’il avait et percevait annuellement sur cinq

  1. Le Roman de la Rose, vers 11 132 et suiv.
  2. Ibid., vers 17 875 et suiv
  3. T. I, p. 277. 1839