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brévement de la languette du gousset sous l’about et le débillardement postérieur en V, pratiqué pour dégager et allégir. C’est d’après ce principe que sont taillés les deux escaliers du sacraire de la Sainte-Chapelle du Palais (XIIIe siècle), et quelques escaliers de beffroi, notamment celui de la tour Saint-Romain à Rouen (XVe siècle). Deux des montants, coupés à deux mètres du sol, et reposant sur une traverse assemblée dans les poteaux voisins, permettaient d’entrer dans ces cages et de prendre la vis. Il est clair qu’on pouvait orner les montants de chapiteaux, de moulures, que les goussets pouvaient être fort riches et les abouts des marches profilés. Le boulon d’axe excepté, ces escaliers étaient brandis et maintenus assemblés sans le secours de ferrures ; c’était œuvre de menuiserie, sans emploi d’autres moyens que ceux propres à cet art si ingénieux lorsqu’il s’en tient aux méthodes et procédés qui lui conviennent.

Vers le commencement du XVe siècle, on cessa généralement, dans la structure des escaliers à vis en charpente ou menuiserie, de faire porter à chaque marche un morceau du noyau. Celui-ci fut monté d’une seule pièce, et les marches vinrent s’y assembler dans une suite de mortaises creusées les unes au-dessus des autres suivant la rampe. C’est ce qu’on faisait à la même époque pour les escaliers à vis en pierre, ainsi que nous l’avons dit plus haut. De même que l’on sculptait les noyaux en pierre, qu’on y taillait des mains courantes, qu’on y ménageait des renforts pour recevoir les petits bouts des marches, de même on façonnait les noyaux en charpente. Nous avons vu démolir dans l’ancien collège de Montaigu, à Paris, un joli escalier à vis en menuiserie, dont le noyau pris dans une longue pièce de bois de douze à quinze mètres de hauteur était fort habilement travaillé en façon de colonne à nervures torses avec portées sous les marches et main courante. Nous donnons (31) la disposition de ces noyaux de charpente au droit de l’assemblage des marches. En A on distingue les mortaises de chacune de ces marches avec l’épaulement inférieur B pour soulager les portées ; en C est la main courante prise dans la masse comme l’épaulement ; son profil est tracé en D coupé perpendiculairement à son inclinaison ; le profil de la corniche avec l’épaulement est tracé en E.

Avant de finir cet article, disons un mot de ces escaliers pivotants dont parle Mathurin Jousse, et qui devaient être employés dans des logis où l’on avait à craindre les surprises de nuit, dans les manoirs et les donjons. Ces escaliers s’établissaient dans une tour ronde, dans un cylindre de maçonnerie percé de portes à la hauteur des étages où l’on voulait arriver. L’escalier était indépendant de la maçonnerie, et se composait (32) d’un arbre ou noyau à pivot supportant tout le système de charpente. Le plan de cet escalier est figuré en A, et sa coupe en B. À chaque étage auquel il fallait donner accès était ménagé un palier C dans la maçonnerie. Nous supposons toutes les portes percées au-dessus de celle D du rez-de-chaussée. La première marche est en E ; de E en F, les marches sont fixes et sont indépendantes du noyau en charpente monté sur un