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peaux fraîches qui couvraient la charpente, afin de laisser voir celle-ci ; mais nous avons donné, dans l’article Architecture Militaire, fig. 16, un de ces beffrois garni au moment d’un assaut. Vers le milieu du XVe siècle, on plaça de petites pièces d’artillerie au sommet de ces beffrois et sur le plancher inférieur pour battre le pied des murs et couvrir les chemins de ronde de mitraille[1].

Parmi les engins propres à donner l’assaut, il ne faut pas négliger les échelles qui étaient fréquemment employées et disposées souvent d’une façon ingénieuse. Galbert, dans sa Vie de Charles le Bon, parle d’une certaine échelle faite pour escalader les murs du château de Bruges, laquelle était très-large, protégée par de hautes palissades à sa base et munie à son sommet d’une seconde échelle plus étroite devant s’abattre en dedans des murs. Les palis garantissaient les assaillants qui se préparaient à monter à l’assaut ; l’échelle se dressait à l’aide d’un mécanisme, et, une fois dressée, la seconde s’abattait.

On lit, dans le roman d'Ogier l’Ardenois, ces vers :

« Vés grans alnois (aulnes) en ces marés plantés ;
Faites-les tost et trancher et coper,
Caisnes et saus (chênes et saules) ens el fossé jeter,
Et la ramille (branchage) e quanc’on puet trover,
Tant que pussons dessi as murs aler ;
Et puis ferés eskeles carpenter,
Sus grans roeles dessi as murs mener ;
En dix parties et drechier et lever[2].
............
Dix grans eskeles fist li rois carpenter,
Sus les fosseis et conduire et mener,
Puis les ont fait contre les murs lever :
De front i poent vingt chevaliers monter[3]. »

L’échelle, munie d’étais mobiles, paraît avoir été, de toutes celles employées dans les assauts, la plus ingénieuse. La fig. 33 en donne le profil en A. Tout le système était posé sur un châssis à roues que l’on amenait près du pied de la muraille à escalader ; il se composait de deux branches d’échelle BC, munies de roulettes B à la base, réunies par un boulon ; ces roulettes, faites comme des poulies, ainsi que l’indique le détail O, s’engageaient sur les longrines DE du châssis ; à deux boucles en fer P, maintenues à l’extrémité du boulon, s’attachaient deux cordages qui passaient dans les poulies de renvoi F et venaient s’enrouler sur le treuil G. En appuyant sur ce treuil au moyen des deux manivelles, on amenait les pieds B de l’échelle en B′. Alors les deux étais à pivot HI se relevaient en HI′ ; c’est-à-dire que le triangle BHI devenait le triangle B′HI′,

  1. Voy. Robertus Valturius, de Re militari. Paris, 1534. Figures de 1483.
  2. Vers 6 124 et suiv.
  3. Vers 6 150 et suiv.