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[construction]
[voûtes]
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1165, repose sur six piles, tandis que la seconde précinction en comporte onze, et la troisième quatorze. Grâce à cette disposition, les archivoltes AB, BC, etc., les arcs doubleaux DE, EF, etc., GH, HI, IP, etc., sont à peu près plantés sur des diamètres égaux, et les voûtes réunissant ces arcs ne se composent, pour porter les remplissages en moellon, que d’arcs diagonaux simples BE, EC, FI, IE, EH, HD, et non plus d’arcs croisés. Dans la galerie du premier étage, le même système de voûtes est employé et répète le plan de la première précinction. La figure X donne la forme de ces voûtes élevées sur le plan horizontal triangulaire. Les gros contre-forts KLM seuls maintiennent la stabilité de l’édifice ; ils reçoivent les arcs-boutants des grandes voûtes supérieures et les petits arcs-boutants de la galerie de premier étage, bandés de G en D, de P en F, etc. Quant aux poussées des deux diagonales BE, CE des voûtes de cette galerie, elles sont contre-buttées par deux petits arcs-boutants bandés de I en E et de H en E. De sorte qu’ainsi les poussées et charges principales sont renvoyées sur les grosses piles extérieures KLM, et les poussées et charges secondaires sur les piles intermédiaires extérieures ORS[1]. À l’intérieur, des colonnes monocylindriques portent seules, à rez-de-chaussée, cet édifice vaste, élevé et passablement compliqué dans ses combinaisons de coupes. Il n’est pas besoin d’être fort expert en architecture pour reconnaître, rien qu’en jetant les yeux sur la fig. 44, que l’intention évidente du maître de l’œuvre a été d’occuper, avec ses points d’appui, le moins de place possible à l’intérieur, qu’il a tenu en même temps à couvrir les deux collatéraux par des voûtes dont les sommets fussent tous au même niveau, afin de pouvoir placer sur ces voûtes l’aire d’une galerie et des dallages ayant une pente régulière vers le périmètre extérieur. Peu après la construction de cette abside, les constructeurs, cependant, rapprochèrent les piles ABC de manière à obtenir, autour des sanctuaires, des travées plus étroites que celles parallèles à l’axe, et ils surélevèrent les archivoltes AB, BC ; mais nous devons reconnaître qu’il y a, dans la disposition du rond-point de Notre-Dame de Paris, une ampleur, une indépendance de conception qui nous séduisent. Les voûtes sont adroitement bandées sur ces piles, dont le nombre augmente à chaque précinction. Cela est habile sans effort et sans recherche. Remarquons aussi que les voûtes gothiques seules permettaient l’emploi de ce mode, et que les premiers architectes qui les appliquèrent à leurs constructions surent immédiatement en tirer tout le parti possible.

Dans l’espace de vingt-cinq ans, les architectes de la fin du XIIe siècle étaient donc arrivés à obtenir les résultats qui avaient été la préoccupation de leurs prédécesseurs pendant l’époque romane, savoir : de voûter des édifices larges et élevés, en ne conservant à l’intérieur que des points d’appui grêles. Le triomphe de la construction équilibrée par l’opposition

  1. Il est entendu que nous ne parlons ici que de la construction primitive du chœur de Notre-Dame de Paris, avant la construction des chapelles rayonnantes.