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hémisphérique ou elliptique, mais un cône curviligne. Nous ne croyons pas qu’il existe en Occident une coupole plus ancienne que celle de l’église de Saint-Ferréol. Et cet exemple, qui probablement n’était pas le seul, indiquerait que les architectes des premiers temps de l’art roman étaient fort préoccupés de l’idée d’élever des coupoles sur pendentifs : car, à coup sûr, il était vingt procédés plus simples pour voûter la travée principale de cette chapelle, sans qu’il y eût nécessité de recourir à ce moyen. Il y avait là évidemment l’idée d’imiter ces constructions byzantines qui alors passaient pour les chefs-d’œuvre de l’art de l’architecture[1].

Les coupoles de l’église abbatiale de Saint-Front de Périgueux peuvent être considérées toutefois comme les premières dont la construction ait exercé une influence considérable sur l’architecture occidentale. Ces coupoles, au nombre de cinq, égales en diamètre et en élévation, à base circulaire, sont établies sur pendentifs ; mais ces pendentifs ne sont pas appareillés comme il convient : les lits des assises sont horizontaux, au lieu d’être normaux à leur courbe génératrice ; ce sont de véritables encorbellements qui ne se soutiennent que par l’adhérence des mortiers et par leur forme sphéroïdale. Il est évident ainsi que l’architecte de Saint-Front a imité la forme d’une construction étrangère, sans se rendre compte de son principe, et ce fait seul tendrait à détruire l’opinion émise par notre savant ami, M. de Verneilh, savoir : que l’église actuelle de Saint-Front aurait été élevée par un artiste venu des bords de l’Adriatique[2]. Nous venons de voir, dans l’exemple précédent, que le constructeur de la petite église de Saint-Ferréol, voulant faire des pendentifs, n’a trouvé d’autre moyen, pour leur donner une courbure à peu près convenable, que d’incliner les rangs de moellons sur les reins des arcs doubleaux, c’est-à-dire de superposer des rangs de voussoirs, tant bien que mal, en les avançant les uns sur les autres, et de les enchevêtrer de la façon la plus grossière au point de jonction. En construction, comme en toute chose qui demande à la fois du calcul et de l’expérience, il ne faut jamais supposer que les moyens les plus simples soient adoptés les premiers ; c’est le contraire qui a lieu. Le principe de construction des pendentifs, une fois connu, semble très-naturel ; mais il dut paraître, aux yeux d’artistes barbares, un véritable tour de force. Il ne fut jamais compris par les architectes romans, et si nous possédons en France quelques coupoles portées sur pendentifs, avant l’ère gothique, ceux-ci ne sont qu’une apparence, non un système de construction compris et

  1. M. Mérimée a pris la peine de relever ce petit monument, et a bien voulu nous communiquer les précieux croquis qu’il a faits pendant son séjour à Saint-Honorat.
  2. Il faut dire que quand M. de Verneilh a publié son livre sur l’architecture byzantine en France, M. Abadie, l’architecte chargé de la restauration de Saint-Front, n’avait pas encore commencé les travaux qu’il dirige avec autant de dévouement que d’intelligence, et ce fait de la construction singulière des pendentifs n’avait pu être signalé.