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très-saillants recevant un chéneau conduisant les eaux dans des gargouilles espacées. Peu après la pose de ces corniches A, les architectes de la cathédrale ajoutèrent une seconde assise B au larmier primitif, pour lui donner une apparence plus mâle et pour éviter le démaigrissement C, qui pouvait faire craindre des ruptures. Déjà ces larmiers A avaient été destinés à porter une balustrade, qui fut remplacée lorsque l’on reposa la seconde assise B[1]. On observera que chaque crochet ornant la première assise D est sculpté dans un morceau de pierre, comme s’il remplissait l’office d’un corbeau. Les corniches de la cathédrale de Paris peuvent être considérées comme les plus belles parmi celles du commencement du XIIIe siècle ; celles de la façade offrent cette particularité unique que leurs larmiers sont pris dans deux assises, afin de pouvoir leur donner une plus forte saillie. Ainsi, la corniche qui couronne la galerie qui pourtourne les tours et les réunit est composée de trois assises : une assise de crochets et feuilles et deux assises de larmiers (17) ; l’assise supérieure est percée de trous, de distance en distance, sous la balustrade, pour laisser écouler les eaux tombant sur les terrasses (voy. Chéneau, fig. 2). Le larmier remplit ici l’office d’un égout très-saillant, destiné à éloigner les eaux des parements.

Habituellement, les larmiers sont pris dans une seule hauteur d’assise ; mais les détails de la façade occidentale de la cathédrale de Paris sont d’une dimension au-dessus de l’ordinaire, et il semble que l’architecte à qui l’on doit la partie supérieure de cette façade, c’est-à-dire les deux tours avec leur galerie à jour (1225 environ), ait voulu donner aux membres de l’architecture une importance relative très-grande. La corniche supérieure des deux tours, qui était destinée à recevoir la base de flèches en pierre, dont la construction ne fut qu’amorcée, est unique comme hauteur d’assises dans le style gothique ancien. Elle se compose de deux assises de crochets, chacune de ces assises ayant 0,75 c. de hauteur entre lits ; d’un larmier surmonté de deux assises en talus, et de la balustrade posée lorsqu’on renonça à continuer la construction des flèches. Chaque crochet est taillé dans un bloc de pierre énorme ; ainsi que le fait voir notre fig. 18 ; les assises du larmier et de la pente au-dessus sont cramponnées tout au pourtour par des crampons doubles A tenant lieu d’un quadruple chaînage. On voit que l’architecte avait pris ses précautions pour pouvoir élever ses flèches sans danger.

Cependant les larmiers de corniches du commencement du XIIIe siècle parurent probablement avoir des profils trop anguleux et rigides aux

  1. À la cathédrale de Chartres, on voit deux larmiers superposés au sommet des chapelles et du chœur ; il est évident que les architectes du commencement du XIIIe siècle s’aperçurent, à leurs dépens, qu’en posant une tablette mince sur la première assise de corniche, mais beaucoup plus saillante que ne l’étaient les tablettes romanes, il se produisait des ruptures. Ils doublèrent donc ces tablettes d’abord, puis en vinrent à les faire plus épaisses.