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ils réserveront les trous des poutres bien équarris dans les parements intérieurs des murs, et ne les perceront pas après coup ; ils engageront des corbeaux de pierre sous la portée de ces poutres ; ils réserveront des rainures horizontales pour recevoir, le long des murs de refend, les lambourdes dans lesquelles s’assembleront les solives ou les trous régulièrement espacés de leurs scellements. Dans les ébrasements des baies, ils scelleront les gonds en construisant, ils ménageront des renforts à l’intérieur des meneaux pour recevoir les gâches des targettes ou verrous. Leurs cheminées, élevées en même temps que les murs, auront des tuyaux taillés avec le plus grand soin à l’intérieur ; les jambages des âtres seront reliés aux murs et non accolés ; le passage des tuyaux à travers les planchers, les supports des foyers supérieurs indiquent une extrême prévoyance, des dispositions étudiées avant la mise à exécution. Toutes ces choses seraient pour nous aujourd’hui un excellent enseignement, si nous voulions voir et nous défaire de cette manie de croire que nous ne pouvons rien prendre de bon dans le passé, lorsque ce passé est en-deçà des monts. Dans les grandes constructions civiles, comme les salles d’assemblée, les halles, les constructeurs du moyen âge ont presque toujours le soin de prendre des jours inférieurs et supérieurs : les jours inférieurs permettent de voir ce qui se passe au dehors, de donner de l’air ; les jours supérieurs envoient la lumière directe du ciel. Ces baies relevées sont prises dans la hauteur du comble et forment lucarnes à l’extérieur. Si étendues que fussent les salles comme surface et hauteur, les fenêtres se trouvaient toujours proportionnées à la dimension humaine, et, ce qui est plus important, à la dimension raisonnable que l’on peut donner à un châssis de menuiserie destiné à être ouvert fréquemment. Quant aux châssis des lucarnes, ils s’ouvraient en tabatière au moyen de poulies et de cordelles (voy. Lucarne)[1].

On est trop porté à croire que, pendant le moyen âge, si ingénieux que fussent les architectes, ceux-ci ne savaient concevoir ces larges disposi-

  1. On établissait des lucarnes avec face en pierre sur les bâtiments dès le XIIIe siècle, et cependant, sous Louis XIV, on prétendit que ce mode d’ouvrir des jours à la base des combles fut inventé par Mansard ; et pour consacrer le souvenir de cette utile invention, on a donné depuis lors, à ces jours, le nom de mansardes, comme si tous les bâtiments civils, les châteaux et les maisons n’étaient pas pourvus de mansardes sous François Ier, sous Louis XIII et bien avant eux. Mais tel est le faible du XVIIe siècle, qui prétendit avoir tout trouvé. Or ce n’est qu’une prétention. Il en est de celle-ci comme de beaucoup d’autres à cette époque. Il a été écrit et répété bien des fois que la brouette, par exemple, avait été inventée au XVIIe siècle, lors des grands travaux de terrassement entrepris à Versailles ; or nous avons des copies nombreuses de brouettes figurées sur des manuscrits et des vitraux du XIIIe siècle. Il est vrai que la forme de ces petits véhicules, à cette époque, est beaucoup plus commode pour le porteur que celle adoptée depuis le XIIIe siècle, et que nous reproduisons religieusement dans nos chantiers, comme si c’était là un chef-d’œuvre. Il en est de même du haquet, inventé, dit-on, par Pascal.