Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 4.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[développements]
[construction]
— 195 —

voyez les difficultés de détail s’accumuler. Un premier changement du système, que vous supposez peu important tout d’abord, en exige un second, puis un troisième, puis une foule d’autres. Alors ou il faut rétrograder, ou devenir l’esclave des exigences que vous avez provoquées par une première tentative ou une première concession. On se débat contre ces difficultés successives qui semblent naître à mesure qu’on les surmonte. Dans les temps où la paresse d’esprit est regardée comme une vertu, on traite ces tentatives périlleuses de tendances perverses, d’oubli des saines doctrines. Mais les architectes du moyen âge, et surtout de l’époque dont nous nous occupons en ce moment, n’auraient jamais cru qu’un pas en arrière ou un repentir fût un progrès : ils sentaient qu’ils étaient entraînés par leurs propres principes, et ils résolvaient avec courage chacune des difficultés nouvelles qu’ils soulevaient sans repos…

Surmonter les formerets de triangles de pierre pour charger leurs clefs, ce n’est, au premier abord, qu’un peu plus de pierre et un peu plus de main-d’œuvre. Mais il faut des chéneaux sur les formerets, des balustrades sur ces chéneaux ; il faut que ces chéneaux posent sur les formerets et non sur les remplissages des voûtes ; il faut que les pentes de ces gâbles rejettent elles-mêmes les eaux quelque part ; il faut orner ces lignes rigides ; il faut que ce nouveau membre ajouté à l’architecture trouve sa place sans empiéter sur celle des autres membres indispensables. Notre fig. 108 explique comment les constructeurs du milieu du XIIIe siècle surent concilier à la fois les exigences purement matérielles et celles de l’art. Leur formeret A (voir la coupe), bandé et doublé souvent d’une archivolte B, ayant l’épaisseur des moellons de remplissage de la voûte, ils posèrent, sur les deux tiers environ de la largeur de ces arcs, le gâble plein C, en ménageant une entaille peu profonde à sa base pour incruster le chéneau D posé sur le dernier tiers de la largeur des arcs. Le gâble dégagé, ce chéneau portait larmier de recouvrement de la corniche, ainsi qu’on le voit en E, et recevait la balustrade, suivant l’usage, dans une rainure. Deux pierres F, portant cuvette et gargouilles, étaient disposées à la base du gâble pour recueillir les eaux tombant sur les tablettes de recouvrement de ces gâbles. Ces tablettes, prises dans de longs morceaux pour éviter les joints, étaient taillées suivant le tracé G, au-dessous de la corniche, s’incrustaient dans les tympans et étaient munies, derrière les crochets posés en feuillure, d’une petite rigole I, propre à recueillir les eaux et à les conduire dans les cuvettes des gargouilles. Au-dessus de la corniche, ces tablettes étaient alors taillées conformément au tracé H, rejetant les eaux devant et derrière. Un chapeau K, pris dans un seul morceau de pierre, maintenait l’extrémité des deux tablettes inclinées ainsi que les branches de crochets. La balustrade L se posait en arrière, affleurant le nu postérieur du gâble, afin de laisser passer les rangs de crochets M rapportés dans des rainures par incrustement. Plus tard, on évida entièrement ces gâbles, qui parurent trop lourds comme aspect, au-dessus des meneaux si légers des fenêtres. Cet exemple fait comprendre combien