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[développements]
[construction]
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que l’on prétend exister sous la maçonnerie de la plupart de nos grandes cathédrales, nous n’en avons jamais trouvé de traces[1].

Maintenant, revenons à Notre-Dame de Beauvais. Nous avons donné, à l’article Arc-boutant, fig. 61, l’ensemble du système adopté pour la construction des arcs-boutants de l’abside de la cathédrale de Beauvais. Il nous faut revenir sur les détails de cette construction ; on verra comme l’architecte de ce chœur tenta de dépasser l’œuvre de son confrère d’Amiens. Cependant ces deux absides sont bâties en même temps, celle de Beauvais est peut-être plus récente de quelques années. Nous supposons, ainsi que nous venons de procéder pour un arc-boutant du chœur de Notre-Dame d’Amiens, une coupe faite sur l’axe des piles de l’abside de Beauvais (101). Il est intéressant de mettre en parallèle ces deux coupes ; aussi les donnons-nous à la même échelle. À Amiens, les piles du sanctuaire ont 14m,00 de hauteur du pavé du collatéral au tailloir des chapiteaux recevant les arcs des voûtes des bas-côtés ; à Beauvais, ces mêmes piles ont 15m,90. Mais, à Amiens, les chapelles absidales ont toute la hauteur du collatéral, tandis qu’à Beauvais elles sont beaucoup plus basses, et, entre les terrasses qui les couvrent et les voûtes de ce collatéral, il existe une galerie, un triforium F. À Amiens, c’est la pile intermédiaire qui possède la résistance passive, rigide, grâce à sa masse et au système de construction des piles inférieures, ainsi que nous venons de le démontrer ; la seconde pile n’est qu’un appoint, une sûreté, un surcroît de précaution, nécessaire cependant. À Beauvais, le maître de l’œuvre prétendit donner à cette pile intermédiaire une résistance active, agissante, et reporter sur la seconde pile, celle extérieure, cette résistance passive qu’il faut toujours trouver quelque part. Il crut ainsi pouvoir obtenir plus de légèreté dans l’ensemble de sa construction, plus de hauteur et plus de solidité. Ainsi que nous venons de le dire, les piles E du sanctuaire ont plus de champ, sont plus épaisses que celles d’Amiens, dans le sens des poussées. Les faisceaux de colonnettes portant l’arc ogive et les formerets des voûtes hautes sont posés en encorbellement sur le chapiteau inférieur G. L’assiette HI est donc plus grande, et le contre-fort K du grand triforium porte d’aplomb sur la pile inférieure. Sur ce contre-fort du triforium, ce n’est plus une seule colonne qui s’élève, comme à Amiens, pour recevoir la tête de l’arc-boutant : ce sont deux colonnettes en délit jumelles, comme le fait voir la section horizontale A′ faite sur AB. Ces colonnettes jumelles soulageaient le linteau L, qui était une assise formant plafond. Deux autres colonnettes étaient posées entre cette assise-linteau et la tête du premier

  1. Il en est de ces pilotis de Notre-Dame de Paris, de Notre-Dame d’Amiens, comme de tant d’autres fables que l’on répète depuis des siècles sur la construction des édifices gothiques. Il ne serait pas possible de construire une grande cathédrale sur pilotis. Ces édifices ne peuvent être fondés que sur de larges empattements ; les pesanteurs étant très-inégales en élévation, la première condition de stabilité était de trouver une masse parfaitement homogène et résistante au-dessous du sol.