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geuses, et, afin de préserver ces matériaux des atteintes de l’humidité et des effets de la gelée ; ils cherchaient à les soustraire aux agents atmosphériques en les couvrant par des combles saillants, en les éloignant du sol, à l’extérieur, par des assises de pierres qu’ils allaient acheter dans des carrières plus éloignées.

Il y a toujours, dans les œuvres des hommes qui ne comptent que sur leurs propres ressources et leurs propres forces pour agir, une certaine somme d’intelligence et d’énergie d’une grande valeur aux yeux de ceux qui savent voir, ces œuvres fussent-elles imparfaites et grossières d’ailleurs, qu’on ne retrouve pas dans les œuvres produites par des hommes très-civilisés, mais auxquels l’industrie fournit de nombreux éléments, et qui n’ont aucun effort à faire pour satisfaire à tous leurs besoins. Ces chercheurs primitifs deviennent souvent alors des maîtres et leurs efforts un enseignement précieux, car il faut évidemment plus d’intelligence pour faire quelque chose lorsque toutes les ressources manquent que lorsqu’elles sont à la portée des esprits les plus médiocres.

Les constructions romaines, par suite de la stabilité absolue de leurs points d’appui et la concrétion parfaite de toutes les parties supérieures (résultat obtenu, comme nous l’avons déjà dit, au moyen de ressources immenses), présentaient des masses immobiles, passives, comme le pourraient être des monuments taillés dans un seul bloc de tuf. Les constructeurs romans, ne pouvant disposer de moyens aussi puissants, reconnurent bientôt que leurs bâtisses n’offraient pas un ensemble concret, lié, une agglomération parfaitement stable ; que les piliers, formés de placages de pierre enfermant un blocage composé souvent de médiocre mortier, que les murs, déliaisonnés dans toute leur hauteur, subissaient des effets, des tassements inégaux qui causaient des déchirures dans les constructions et, par suite, des accidents graves. Il fallut donc chercher les moyens propres à rendre ces effets nuls. Les constructeurs romans, dès le XIe siècle, voulurent, par des motifs développés ailleurs (voy. Architecture), voûter la plupart de leurs grands édifices ; ils avaient hérité des voûtes romaines, mais ils étaient hors d’état de les maintenir par les moyens puissants que les Romains avaient pu adopter. Il fallut donc encore que leur intelligence suppléât à ce défaut de puissance. La voûte romaine ne se peut maintenir qu’à la condition d’avoir des points d’appui absolument stables, car cette voûte, soit en berceau, soit d’arête, soit en demi-sphère, forme une croûte homogène sans élasticité, qui se brise en morceaux, s’il survient quelques gerçures dans sa concavité. Voulant faire des voûtes à l’instar des Romains, et ne pouvant leur donner des points d’appui absolument stables, il fallait que les constructeurs romans trouvassent une méthode nouvelle pour les maintenir, en rapport avec l’instabilité des points d’appui destinés à les porter et les contrebutter. La tâche n’était pas aisée à remplir : aussi les expériences, les tâtonnements, les essais furent-ils nombreux ; mais cependant, dès l’origine de ces essais, on voit naître un système de construction neuf, et ce système est basé